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Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/201

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vie & des revers, quand ce n’eſt pas pour ſoi ſeul qu’on vit.

Combien d’autres eſpeces de gloire ! Celles que donnent les armes, les ſciences, les beaux arts ! le beau champ à parcourir, pour qui voudroit s’étendre ! bornons-nous, craignons la ſtérile fécondité de tant d’écrivains.

Qui n’a de paſſion que pour les lettres, peut bien ſe contenter de la gloire qui les ſuit.

Je dis de ceux qui craignant de quitter le chemin battu, n’oſent s’écarter des opinions reçues & penſer autrement que les autres, ce qu’Horace dit des imitateurs, ſervum pecus ! O vous que la démangeaiſon d’écrire tourmente, comme un démon, & qui pour un grain de réputation donneriez volontiers les mines du Pérou, laiſſez-là tout ce vil troupeau d’auteurs vulgaires, qui rampent à la ſuite des autres, ou dans la pouſſiere de l’érudition ; laiſſe-là ces faſtidieux ſavans dont les ouvrages peuvent allez bien être comparés à ces vaſtes landes triſtement uniformes ſans fleurs & ſans fin. Ou n’écrivez point, ou prenez un autre effor. Soyez libres & grands dans vos écrits comme dans vos actions ; montrez une ame élevée, indépendante. Cette voie eſt riſquable, je le ſais ; qui fait ſon étude de l’homme, doit s’attendre à avoir l’homme pour ennemi. Galilée fut enfermé dans les priſons de l’inquiſition pour avoir oſé penſer