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Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/218

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aſſez d’un néceſſaire trop exact, du moins ſuffit-il de pouvoir dire : j’aime a vivre, parce qu’avec peu de choſes je ne manque de rien. Socrate préféroit la mort à l’exil ; je n’ai pas juſqu’à ce point la maladie du pays. Je crois que la patrie & le bonheur peuvent aller enſemble, & ſont en effet où l’on eſt bien. C’eſt une vérité dont on auroit peine à diſſuader qui la ſent avec une auſſi vive reconnoiſſance que moi. Pourquoi faut-il qu’on ſoit réduit à deſirer du moins la conſervation de ce qu’on a ? Sans la crainte de le perdre, un philoſophe ſeroit heureux. Mais enfin eſt-il de ſi beaux jours qui ne ſoient obſcurcis par de petits nuages que les rayons de la plus belle eſpérance ont bien de la peine à diſſiper ? Celui même qui vit de ſes propres revenus, eſt-il ſur que ſon fermier ſera toujours ſolvable.

Regardons la proſpérité la mieux fondée en apparence, comme un calme auquel peut ſuccéder la tempête. Le vaiſſeau périra, ſi tout ne ſe trouve prêt ſur le champ pour jetter l’ancre, & la parer. Accoutumons-nous donc peu-à-peu à être moins attachés à ce qu’il ſera très-incommode de ne pas avoir, afin de le regretter moins, quand véritablement nous aurons le malheur d’en être privés. Le fardeau eſt la moitié moins peſant, quand on s’eſt préparé à le porter. Ce que je dis de la pauvreté, je lai dit ci-devant de la vie, dont le joug eſt quelquefois