Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/237

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riche qui le maîtriſoit. Eſprit précieux, le néologiſme ne remonte pas plus haut que lui ; raiſonneur étudié, le plus ſouvent peintre de colifichets, je compare les lumieres dont il brille, tant elles ſentent l’artifice, à ces étoiles que les fuſées laiſſent dans l’air après elles. Génie obſcur lorſqu’il veut être concis, entrecoupé de plus de ténebres que de lueurs philoſophiques, peu conſiſtant ou peu ſolide, de-là peu conſéquent, éloquent à ſa maniere, en paroiſſant mépriſer l’éloquence, vigoureux par vertu, vertueux par ſecte, fort de choſes par ſecouſſes, fort d’eſprit par affection, pointilleux par minauderie : enfin s’appliquant plus à orner ſon langage qu’à ſe faire entendre ou à s’entendre lui-même, je conviens qu’il a mieux aimé ſe répéter en termes artiſtement variés, content de briller par des phraſes & des antitheſes qui marquent le jeu & l’enfance de l’eſprit, piege inévitable pour qui cherchant toujours l’agrément de la diction & la vanité des paroles, préfere le fard de l’éloquence à ces beautés naturelles qui ſont bien mieux ſans ornement : panneau couvert de clinquant, où donneront toujours ces beaux eſprits peu philoſophes, que la variété des images éblouit juſqu’à leur faire prendre pour de nouvelles choſes un brillant tiſſu d’autres mots joliment arrangés. Mais, au reſte, je trouve que Séneque a plus de force que Cicéron. Si celui-ci étoit plus