Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/33

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XL.

La différence frappante des phyſionomies & des caractères des divers peuples, aura fait imaginer ces étranges congrès, & ces biſarres amalgames : & en voyant un homme d’eſprit mis au monde par l’opération & le bon plaiſir d’un ſot, on aura cru que la génération de l’homme par les animaux n’avoir rien de plus impoſſible & de plus étonnant.

XLI.

Tant de philoſophes ont ſoutenu l’opinion d’Épicure, que j’ai ôsé mêler ma foible voix à la leur ; comme eux au reſte, je ne fais qu’un ſyſtême ; ce qui nous montre dans quel abyme on s’engage, quand voulant percer la nuit des temps, on veut porter de préſomptueux regards ſur ce qui ne leur offre aucune priſe : car admettez la création ou la rejettez, c’eſt par-tout le même myſtère ; par-tout la même incompréhenſibilité. Comment s’eſt formée cette terre que j’habite ? Eſt-elle la ſeule planète habitée ? D’où viens-je ? Où ſuis-je ? Quelle eſt la nature de ce que je vois ? de tous ces brillans phantômes dont j’aime l’illuſion ? Étois-je, avant que de n’être point ? Serai-je, lorſque je ne ſerai plus ? Quel état a précédé le ſentiment de mon exiſtence ?