Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/41

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tout quitter de sang froid, quand l’heure en eſt venue. Plus on quitte, plus l’héroïſme eſt grand. Le dernier moment eſt la principale pierre de touche de la ſageſſe ; c’est, pour ainſi dire, dans le creuſet de la mort, qu’il la faut éprouver.

LIX.

Si vous craignez la mort, ſi vous êtes trop attaché à la vie, vos derniers ſoupirs ſeront affreux ; la mort vous ſervira du plus cruel bourreau ; c’eſt un ſupplice, que d’en craindre.

LX.

Pourquoi ce guerrier qui s’eſt acquis tant de gloire dans le champ de Mars, qui s’eſt tant de fois montré redoutable dans des combats ſinguliers, malade au lit, ne peut-il ſoutenir, pour ainſi dire, le duel de la mort ?

LXI.

Au lit de mort, il n’eſt plus queſtion de ce faſte, ou de ce bruyant appareil de guerre, qui excitant les eſprits, fait machinalement courir aux armes. Ce grand aiguillon des François, le point d’honneur n’a plus lieu ; on n’a point devant ſoi l’exemple de tant de camarades, qui braves les uns par les autres,