Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/50

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Montagne, la queue d’un philoſophe au plus bel âge de ma vie ; mais, pour remplir par l’eſprit, autant qu’il eſt poſſible, les vuides du cœur, & non pour me repentir de les avoir autrefois comblés d’amour. Je ne voudrois revivre, que comme j’ai vécu, dans la bonne chere, dans la bonne compagnie, la joie, le cabinet, la galanterie ; toujours partageant mon temps entre les femmes, cette charmante école des graces, Hyppocrate, & les muſes, toujours auſſi ennemi de la debauche, qu’ami de la volupté ; enfin tout entier à ce charmant mêlange de ſageſſe & de folie, qui s’aiguiſant l’une par l’autre, rendent la vie plus agréable, & en quelque ſorte plus piquante.

LXXIX.

Gémissez, pauvres mortels ! Qui vous en empêche ? Mais que ce soit de la brieveté de vos égaremens ; leur délire eſt d’un prix fort au-deſſus d’une raiſon froide qui déconcerte, glace l’imagination & effarouche les plaiſirs.

LXXX.

Au lieu de ces bourreaux de remords qui nous tourmentent, ne donnons à ce charmant & irréparable temps paſſé, que les mêmes regrets, qu’il eſt juſte que nous donnions un jour (modérément) à nous-mêmes, quand il nous faudra, pour ainſi