Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/52

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c’eſt attendre dans un festin pour manger, qu’on ait deſſervi. Nulle autre ſaiſon ne ſuccede à celle-là. Les froids aquilons ſoufflent juſqu’à la fin, & la joie même alors ſera plus glacée dans nos cœurs, que nos liquides dans leurs tuyaux.

LXXXIII.

Je ne donnerai point au couchant de mes jours, la préférence ſur leur midi : ſi je compare cette dernière partie, où l’on végète, c’eſt à celle où l’on végétoit. Loin de maudire le paſſé, m’acquittant envers lui du tribut d’éloges qu’il mérite, je le bénirai dans le bel âge de mes enfans, qui, raſſurés par ma douceur contre une ſévérité apparente, aimeront & chercheront la compagnie d’un bon pere, au lieu de la craindre & de la fuir.

LXXXIV.

Voyez la terre couverte de neige & de frimats ! Des cryſtaux de glace font tout l’ornement des arbres dépouillés ; d’épais brouillards éclipſent tellement l’aſtre du jour, que les mortels incertains voient à peine à ſe conduire. Tout languit, tout eſt engourdi ; les fleuves ſont changés en marbre, le feu des corps eſt éteint, le froid semble avoir enchaîné la nature. Déplorable image de la vieilleſſe ! La ſeve de l’homme manque aux lieux qu’elle