Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/74

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plantes, elle en eſt en quelque ſorte l’ouvriere ; non contente de les allaiter, elle les habille. Des mêmes ſucs qui les nourriſſent, elle fait filer des habits qui les enveloppent. C’eſt le corolle, dont j’ai parlé, & qui eſt orné des plus belles couleurs. L’homme, & ſur-tout la femme, ont le leur en habits, & en divers ornemens, durant le jour ; car la nuit ce ſont des fleurs preſque ſans enveloppe.

Quelle différence des plantes de notre eſpece, à celles qui couvrent la ſurface de la terre ! Rivales des aſtres, elles forment le brillant émail des prairies : mais elles n’ont ni peines, ni plaiſirs. Que tout eſt bien compoſé ! Elles meurent comme elles vivent, ſans le ſentir. Il n’étoit pas juſte que qui vit ſans plaiſir, mourût avec peine.

Non-ſeulement les plantes n’ont point d’ame, mais cette ſubſtance leur étoit inutile. N’ayant aucune des néceſſités de la vie animale, aucune ſorte d’inquiétude, nuls ſoins, nuls pas à faire, nuls déſirs, toute ombre d’intelligence leur eût été auſſi ſuperflue, que la lumiere à un aveugle. Au défaut de preuves philoſophiques, cette raiſon jointe à nos ſens, dépoſe donc contre l’âme des végétaux.

L’inſtinct a été encore plus légitimement refuſé à tous les corps fixement attachés aux rochers,