Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les êtres ſans beſoins, ſont auſſi ſans eſprit : derniere loi qui s’enfuit des deux autres.

L’enfant collé au téton de ſa nourrice qu’il tete ſans-ceſſe, donne une juſte idée de la plante. Nourriſſon de la terre, elle n’en quitte le ſein qu’à la mort. Tant que la vie dure, la plante eſt identifiée avec la terre ; leurs viſceres ſe confondent, & ne ſe ſéparent que par force. Delà point d’embarras, point d’inquiétude pour avoir de quoi vivre ; par conſéquent point de beſoins de ce côté.

Les plantes font encore l’amour ſans peine ; car ou elles portent en ſoi le double inſtrument de la génération, & ſont les ſeuls hermaphrodites qui puiſſent s’engroſſer eux-mêmes ; ou ſi dans chaque fleur les ſexes ſont ſéparés, il ſuffit que les fleurs ne ſoient pas trop éloignées les unes des autres, pour qu’elles puiſſent ſe mêler enſemble. Quelquefois même le congrès ſe fait, quoique de loin, & même de fort loin. Le palmier de Pontanus n’eſt pas le ſeul exemple d’arbres fécondés à une grande diſtance. On ſait depuis long-temps que ce ſont les vents, ces meſſagers de l’amour végétal, qui portent aux plantes femelles le ſperme des mâles. Ce n’eſt point en plein vent que les nôtres courent ordinairement de pareils riſques.

La terre n’eſt pas ſeulement la nourrice des