Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/78

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qu’ils ſont enfans des deux regnes, auront en un mot d’autant plus d’intelligence, qu’ils ſeront obligés de ſe donner de plus grands mouvemens pour trouver leur ſubſiſtance.

Le dernier, ou le plus vil des animaux, ſuccede ici à la plus ſpirituelle des plantes animales ; j’entends celui qui de tous les véritables êtres de cette eſpece, ſe donne le moins de mouvement, ou de peine, pour trouver ſes alimens & ſa femelle, mais toujours un peu plus que la premiere plante animale. Cet animal aura plus d’inſtinct qu’elle, quand ce ſurplus de mouvement ne ſeroit que de l’épaiſſeur d’un cheveu. Il en eſt de même de tous les autres, à proportion des inquiétudes qui les tourmentent : car ſans cette intelligence relative aux beſoins, celui-ci ne pourroit alonger le cou, celui-là ramper, l’autre baiſſer ou lever la tête, voler, nager, marcher, & cela viſiblement exprès pour trouver ſa nourriture. Ainſi, faute d’aptitude à réparer les pertes que font ſans-ceſſe les bêtes qui tranſpirent le moins, chaque individu ne pourroit continuer de vivre : il périroit à meſure qu’il ſeroit produit, & par conſéquent les corps le ſeroient vainement, ſi dieu ne leur eût donné à tous, pour ainſi dire, cette portion de lui-même, que Virgile exalte ſi magnifiquement dans les abeilles.