Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/82

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immédiatement de nos beſoins, qu’elle eſt ſi alerte à ſatiſfaire & à prévenir, que rien ne va devant eux. Il faut que la volonté même leur obéiſſe. On peut donc dire que notre ame prend de la force & de la ſagacité, à proportion de leur multitude ; ſemblable à un général d’armée qui ſe montre d’autant plus habile & d’autant plus vaillant, qu’il a plus d’ennemis à combattre.

Je ſais que le ſinge reſſemble à l’homme par bien d’autres choſes que les dents : l’anatomie comparée en fait foi : quoiqu’elles aient ſuffi à Linnæus pour mettre l’homme au rang des quadrupedes (à la tête à la vérité). Mais quelle que ſoit la docilité de cet animal, le plus ſpirituel d’entr’eux, l’homme montre beaucoup plus de facilité à s’inſtruire. On a raiſon de vanter l’excellence des opérations des animaux, elles méritoient d’être rapprochées de celles de l’homme : Deſcartes leur avait fait tort, & il avoit ſes raiſons pour cela ; mais quoiqu’on en diſe, & quelques prodiges qu’on en raconte, ils ne portent point d’atteinte à la prééminence de notre ame ; elle eſt bien certainement de la même pâte & de la même fabrique ; mais non, ni à beaucoup près, de la même qualité. C’eſt par cette qualité ſi ſupérieure de l’ame humaine, par ce ſurplus de lumieres, qui réſulte viſiblement de l’organiſation, que l’homme eſt le roi des animaux, qu’il eſt le ſeul propre à la ſociété,