Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/126

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nous diroient les autres, & sur-tout les théologiens ? N’est-il pas ridicule de les entendre décider sans pudeur, sur un sujet qu’ils n’ont point été à portée de connoître, dont ils ont été au contraire entièrement détournés par des études obscures, qui les ont conduits à mille préjugés, & pour tout dire en un mot, au fanatisme, qui ajoute encore à leur ignorance dans le mécanisme des corps ?

Mais quoique nous ayons choisi les meilleurs guides, nous trouverons encore beaucoup d’épines & d’obstacles dans cette carrière.

L’homme est une machine si composée, qu’il est impossible de s’en faire d’abord une idée claire, & conséquemment de la définir. C’est pourquoi toutes les recherches que les plus grands philosophes ont faites a priori, c’est à dire, en voulant se servir en quelque sorte des aîles de l’esprit, ont été vaines. Ainsi ce n’est qu’a posteriori, ou en cherchant à demêler l’âme, comme au travers des organes du corps, qu’on peut, je ne dis pas découvrir avec évidence la nature même de l’homme, mais atteindre le plus grand degré de probabilité possible sur ce sujet.

Prenons donc le bâton de l’expérience, & laissons là l’histoire de toutes les vaines opinions des philosophes. Être aveugle, & croire pouvoir se passer de ce bâton, c’est le comble de l’aveuglement. Qu’un moderne a bien raison de dire qu’il n’y a