Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que la vanité seule, qui ne tire pas des causes secondes, le même parti que des premières ! On peut & on doit même admirer tous ces beaux génies dans leurs travaux les plus inutiles : ; les Descartes, les Mallebranches, les Leibniz, les Wolfs, &c. mais quel fruit, je vous prie, a-t-on retiré de leurs profondes méditations & de tous leurs ouvrages ? Commençons donc, & voions, non ce qu’on a pensé, mais ce qu’il faut penser pour le repos de la vie.

Autant de tempéramens, autant d’esprits, de caractères & de mœurs différentes. Galien même a connu cette vérité, que Descartes, & non Hippocrate, comme le dit l’auteur de l’histoire de l’âme, a poussée loin, jusqu’à dire que la médecine seule pouvoit changer les esprits & les mœurs avec le corps. Il est vrai que la mélancolie, la bile, le phlegme, le sang, &c. suivant la nature, l’abondance & la diverse combinaison de ces humeurs, de chaque homme font un homme différent.

Dans les maladies, tantôt l’âme s’éclipse & ne montre aucun signe d’elle-même ; tantôt on diroit qu’elle est double, tant la fureur la transporte ; tantôt l’imbécillité se dissipe : & la convalescence, d’un sot fait un homme d’esprit. Tantôt le plus beau génie devenu stupide, ne se reconnoit plus. Adieu toutes ces belles connoissances acquises à si grands frais, & avec tant de peine !