Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/172

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dernier argument soit frivole, en ce que ces conversions sont courtes, l’esprit reprenant presque toujours ses anciennes opinions, & se conduisant en conséquence, dès qu’il a recouvert, ou plutôt retrouvé ses forces dans celles du corps. En voilà du moins beaucoup plus que n’en dit le médecin Diderot, dans ses Pensées philosophiques, sublime ouvrage qui ne convaincra pas un athée. Que répondre en effet à un homme qui dit : « Nous ne connoissons point la nature : des causes cachées dans son sein pourroient avoir tout produit. Voyez à votre tour le polype de Trembley ! Ne contient-il pas en soi les causes qui donnent lieu à sa régénération ? quelle absurdité y auroit-il donc à penser qu’il est des causes physiques pour lesquelles tout a été fait, & auxquelles toute la chaîne de ce vaste univers est si nécessairement liée & assujettie, que rien de ce qui arrive, ne pouvoit ne pas arriver ; des causes dont l’ignorance absolument invincible nous a fait recourir à un dieu, qui n’est pas même un être de raison, suivant certains ? Ainsi détruire le hazard, ce n’est pas prouver l’existence d’un être suprême, puisqu’il peut y avoir autre chose qui ne seroit ni hazard, ni dieu ; je veux dire la nature, dont l’étude par conséquent ne peut faire que des incrédules ; comme le prouve la façon de penser de tous ses plus heureux scrutateurs. »