Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/249

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l’aveu ! Comme il prit sur lui de lui déclarer enfin sa passion en tremblant ! Hélas ! elle n’en étoit que trop convaincue ; tous ces beaux noms de sympathie ou d’amitié la déguisoient mal : elle sentoit que l’amour se masquoit pour la tromper ; & peut-être sans le savoir, aide-t-elle ce dieu même à donner à ce parfait amour autant de confiance, que son dangereux respect lui en avoit inspiré à elle-même. Mais se rendre digne des faveurs de Sylvandre, étoit pour Damon d’un plus grand prix que de les obtenir. Aimer, être aimé, c’étoit pour son cœur délicat la première jouissance ; jouissance sans laquelle toutes les autres n’étaient rien. La vérité des sentimens étoit l’âme de leur tendresse, & la tendresse l’âme de leurs plaisirs ; ils ne connoissoient d’autres excès que celui de plaire & d’aimer : c’est la volupté des cœurs.

Pleure, (eh ! qu’importe que l’on pleure pourvu qu’on soit heureux ?) pleure infortuné berger : un cœur amoureux trouve des charmes à s’attendrir ; il chérit sa tristesse, les joies les plus bruyantes n’ont pas les douceurs d’une tendre mélancolie. Pourquoi ne pas s’y livrer, puisque c’est un plaisir & le seul plaisir qu’un cœur triste puisse goûter dans la solitude qu’il recherche ? Un jour viendra, que trop consolé tu regretteras de ne plus sentir ce que tu as perdu. Trop heureux de conserver ton