Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/250

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chagrin & tes regrets : si tu les perds, tu existeras, comme si tu n’avois jamais aimé.


Pourquoi vous mettre au rang des prudes, vous qui ne l’êtes pas, respectable Zaïde ? Pourquoi accordez-vous à mon idée plus qu’à moi-même ? Je suis tel que vous supposez ; vous n’avez, j’en jure par vos beaux yeux, vous n’avez pas plus à craindre avec l’original, qu’avec la copie. C’est perdre de gaieté de cœur un bien réel, pour embrasser la nue d’Ixion. Rassurez-vous ; ne craignez ni indiscrétion ni inconstance, je n’en veux pour garans que vos charmes. Nos cœurs sont faits l’un pour l’autre ; que la plus douce sympathie les enchaîne pour jamais. C’ell bien à nous, foibles mortels, à croire pouvoir être heureux sans le secours de Vénus ! Quelque industrieux que soient les moyens qu’on a imaginés, l’amour en gémit ; craignons son courroux ; c’est le plus redoutable des dieux. Venez, Zaïde, venez, ne sentez-vous donc point le vuide de votre condition ? & comment le remplir sans amour ? Voyez les lys dont il a parsemé votre beau teint ! C’est pour donner à votre amant le plaisir de les changer en roses. L’empire de Flore est sournis à celui de l’amour. Un jour viendra, n’en doutez pas, que vous vous repentirez moins d’avoir aimé, fût-ce un volage, que de n’avoir point aimé. Tous ces beaux jours perdus dans une