Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/255

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Mais auparavant accordez à Bacchus ce qui est dû à Bacchus ; laissez-le reposer dans les bras de Morphée ; il ne pourroit fournir qu’une foible carrière. Déesse de Cythère, je sais quels hommages sont dûs à vos charmes ; mais attendez à voir paroître votre étoile ! Vous entendez mal vos intérêts… Iris, n’éveillez pas si-tôt votre amant.

Suivons par-tout le voluptueux, dans ses discours, dans ses promenades, dans ss lectures, dans ses pensées, &c. Il distingue la volupté du plaisir, comme l’odeur de la fleur qui l’exhale, ou le son de l’instrument qui le produit. Il définit la débauche, un excès de plaisir mal goûté ; & la volupté, l’esprit & comme la quintescence du plaisir, l’art d’en user sagement, de le ménager par raison, & de le goûter par sentiment. Est-ce sa faute après cela, si on a plus de désirs que de besoins ? Il est vrai que le plaisir ressemble à l’esprit aromatique des plantes ; on n’en prend qu’autant qu’on en inspire : c’est pourquoi vous voyez le voluptueux prêter à chaque instant une oreille attentive à la voix secrette de ses sens dilatés & ouverts ; lui, comme pour mieux entendre le plaisir ; eux, pour mieux le recevoir. Mais s’ils n’y sont pas propres, il ne les excite point : il perdroit le point de vue de son art, la sagesse des plaisirs.