Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/35

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ô vous tous, grands maîtres dans l’art de sentir, qui avez forcé les grâces & les amours à une éternelle reconnoissance, ah ! faites que je la partage ! mais que tout l’esprit dont vous auriez pu abuser, pour tromper la plus belle moitié du monde, s’il en est d’aussi coupables parmi vous, ne me serve qu’à augmenter les plaisirs. Que je préside du moins à ceux de ma Céphise, avec la même ardeur que je les partage ! le bel efprit du siècle, soyez-en fûrs, ne m’a point corrompu ; ce que la nature m’en réservoit, je l’ai pris en sentiment, pour être, s’il se peut, digne de vous.

Cependant, s’il ne m’est pas donné de vous suivre, laissez-moi du moins un trait de flamme, qui me guide vers le temple de la volupté, comme ces comètes qui biffent après elles un sillon de lumière qui montre leur route.

Vous, belles, qui voulez consulter la raison pour aimer, je ne crains pas que vous prêtiez l’oreille à mes discours : la raifon emprunte ici, non le langage, mais le sentiment des Dieux. Si mon pinceau ne répond pas à la finesse & à la délicatesse de votre façon de sentir, favorisez-moi d’un seul regard, & l’amour qui s’est plu à vous former, sera peut-être en votre faveur, couler de ma plume la tendresse & la volupté, qu’il sembloit avoir réservées pour vos cœurs. Philosophe de la fabrique de Chaulieu, attaché