Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/36

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à sa secte par le goût le plus vif, il ne rougira point, je l’espère, de m’entendre prêcher son évangile, cet art de passer agréablement la vie, art de Psyché, qu’inventa la nature. J’entre en matière.

En général plus on a d’esprit, plus on a de penchant au plaisir & à la volupté. Au contraire il me paroît que dans le commerce du monde, les sots, les esprits bornés sont communément les plus indifférens & les plus retenus. Sans-doute le plaisir qu’ils sentent avec peu de vivacité, les emporte rarement au-delà des bornes de la raison. Examinez tous ceux qui se sont ruinés pour s’être trop livrés au plaisir, ce sont la plupart des gens qui ont autant d’esprit que peu de conduite.

C’est déjà faire l’éloge des écrivains voluptueux : car pour peindre la volupté, il faut la sentir, & on ne sent d’une manière exquise ou délicate, qu’à force d’esprit.

Je partage ces auteurs en deux classes : les uns sont obscènes & dissolus, & les autres sont des maîtres de volupté plus épurée. Les premiers prostitués à la débauche, donnent dans les excès les plus odieux ; ils écrivent presque tous conformément à leur liberté de penser ou à la dépravation de leurs mœurs, & ils trouvent des lecteurs bien dignes d’eux, qui loin de détourner leurs regards,