Page:La Mettrie - L'homme machine, 1748.djvu/78

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même montrât toujours la même reconnoissance pour les Bienfaits, & le même respect pour l'humanité! On n'auroit plus à craindre les Ingrats, ni ces Guerres qui sont le fléau du Genre Humain & les vrais Bourreaux de la Loi Naturelle.

Mais un Etre à qui la Nature a donné un instinct si précoce, si éclairé, qui juge, combine, raisonne & délibère, autant que s'éténd & lui permet la Sphère de son activité: un Etre qui s'attache par les Bienfaits, qui se détache par les mauvais traitemens, & va essaier un meilleur Maitre; un Etre d'une structure semblable à la nôtre, qui fait les mêmes opérations, qui a les mêmes passions, les mêmes douleurs, les mêmes plaisirs, plus ou moins vifs, suivant l'empire de l'imagination & la délicatesse des nerfs; un tel Etre enfin ne montre-t-il pas clairement qu'il sent ses torts & les nôtres; qu'il connoit le bien & le mal, & en un mot a conscience de ce qu'il fait? Son Ame qui marque comme la nôtre, les mêmes joies, les mêmes mortifications, les mêmes déconcertemens, seroit-elle sans aucune répugnance, à la vue de son semblable