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SECONDE PARTIE.


de mettre aujourd’hui en queſtion, ſi les Pa ïens dont nous voulons parler, méritent, que nous deferions quelque honneur à leur mémoire. Car outre que l’infidelité & l’idolâtrie peuvent être reprochées à pluſieurs, on ne ſauroit nier, que les plus accomplis d’entre eux n’aient eu beaucoup d’autres vices, qui ne nous permettroient pas de mettre en conſidération quelques qualités vertueuſes, puiſque le mal auroit néceſſairement anéanti le bien par les maximes d’une ſi étrange Philoſophie, de même qu’un peu de levain aigrit & corrompt toute la maſſe, qui le reçoit.

Mais il y a long tems que l’Ecole a condanné tous ces paradoxes, & que Saint Auguſtin a fait voir[1], qu’on ſe tromperoit dans l’Ethique, oû le bien & le mal ſont ſouvent mêlésº enſemble, ſi l’on y vouloit recevoir la regle — des Dialecticiens, qui porte, que deux contraires ne ſe peuvent jamais rencontrer en un même ſujet. En effet, le vice & la vertu ſe brouillent quelquefois de telle ſorte, qu’on voit des hommes fort vicieux faire de très bonnes actions ; & d’autres au contraire qui en commettent de très méchantes, bienqu’ils ſoient d’ailleurs dans l’exercice de beaucoup de vertus. Ainſi Théophraſte remarque, qu’avec des pierres fort noires on peut tirer des

  1. In Enchir.
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