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SECONDE PARTIE.


avoit rien de plus vaillant que lui dans ſon païs, ni de plus craintif au dehors, & quand il ſe trouvoit ſur les terres des ennemis. Le même Hiſtorien obferve là deſſus comme grand Philoſophe qu'il étoit, qu'on voit aſſez d'eſprits de cette trempe ; & que tel eſt courageux dans les perils d'une chaſſe très dangereuſe, qui ne fait paroitre nulle valeur au métier de la guerre. Celui-là paſſera pour invincible dans les duels, qu'on prendra pour un poltron au milieu d'une bataille rangée. Ceux de Candie qui étoient les nompareils aux asſauts de nuit, & en toute ſorte d'exploits de ſurprise, ne valoient rien aux combats réglés, ni où il étoit queſtion d'executer par la force quelque grande entrepriſe à découvert ; tout au rebours des Macedoniens, & de ceux d'Achaïe, qui avoient les qualités diametralement oppoſées à celle-là. Enfin, c'eſt une choſe ſi conſtante & ſi ordinaire que cette varieté d'eſprits, & cette inconſtance de mœurs, dont un chacun de nous peut être bon témoin à ſoi-même, qu'à le bien prendre, la plus rafinée perfection a toujours quelque trait d'imperfection, comme il n'y a point de vin, qui n'ait ſa lie, & comme la plus belle grénade, ſelon le dire de Crates le Thebain, n'eſt jamais ſans le defaut de quelque grain


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