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DE LA VERTU DES PAYENS.


un honneur qu’ils ne méritent pas. Mais l’importance eſt de reconnoître les premiers, de définir cette Vertu, & de la faire tellement remarquer, qu’on ne lui puiſſe plus refuſer ce qui lui eſt dû par de ſi fortes raiſons. Car nous ſavons, que ce qui eſt Vertu en un lieu, paſſe ailleurs aſſez ſouvent pour un vice. Il y en a qui ne la prennent que pour un pur terme de College, comme ſi elle n’avoit rien de ſolide que le ſeul divertiſſement, qu’elle y donne dans toutes ces conteſtations, dont elle fournit la matière.[1] Et les derniers propos de Brutus aux champs Philippiques furent ceux mêmes qu’Hercule avoit tenus autrefois, ſe repentant de l’avoir cultivée comme une chose réelle & véritablement ſubſiſtante, puiſqu’elle n’avoit rien qu’un nom vain, capable ſeulement de nous cauſer quelques illusions d’eſprit. On peut bien juger là deſſus, qu’il n’eſt pas plus facile de diſerner ceux, qui doivent être nommés vertueux. Et nos Ecoles Chrétiennes mêmes ne ſont pas ſi réglées ſur ce sujet, qu’il ſe ſoit trouvé des Docteurs, qui ont réfuté cette qualité à ceux qui ſembloient l’avoir acquiſe par le conſentement de pluſieurs ſiécles, & par les ſuffrages de toute l’antiquité. Grégoire de Rimini[2] eſt l’un des principaux Auteurs, qu’on al-

  1. Virtutem verba putas, ut Lucum ligna
    Horat. l.I, ep. 6.
    Te colui virtus ut rem, aſt tu nomen inane es.
  2. Sec. ſent. dist. 16. &.