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DE SOCRATE


voient pour n’intereſſer point leur conſcience ; & d’autre côté on ne les eût pas ſoufferts, s’ils euſſent témoigné qu’ils avoient une Réligion à part.

Quant à ce que prononça Socrate un peu avant que d’expirer[1], qu’il devoit un coq à Eſculape, dont il prioit ſon ami de le vouloir décharger ; il eſt vrai, que Tertulien ſemble avoir pris cela au pied de la lettre, quand il écrit que c’étoit pour n’être pas ingrat vers Apollon, & pour lui rendre graces de ce qu’il l’avoit nommé le plus ſage de tous les hommes. Mais Lactance l’explique encore plus au deſavantage de Socrate[2], lorſqu’il attribue ce ſoin à une pure vanité, & à une crainte d’être mal traité aux Enfers par Rhadamante, en quoi Lactance n’a pas mieux rencontré, qu’un peu après en ſa négation ſi abſolué des#, # * Antipodes[3].

Certes il y a de quoi s’étonner, qu’aiant reconnu ailleurs comme le dernier ſupplice de Socrate ne vint que d’avoir voulu abolir la multitude des Dieux, il lui faſſe ici apprehender de la ſorte ceux des Enfers. Coelius Rhodiginus n’a pû s’empêcher de maltraiter Lactance ſur cette invective contre Socrate[4], dont il interprete les paroles dans un ſens beaucoup plus myſtique, qu’il n’eſt beſoin, à ce qu’il me ſemble, de leur donner.

  1. Cap.44. Apol.
  2. De ſalſa. ſap l. 3. cap. 10.
  3. Cap. 24. Lib. 5. de ſuſticia, cap. 23.
  4. Lib. 16. lect. anc. cap. 12.