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DE LA VERTU DES PAYENS.


étoit du droit de Nature, leurs bonnes œuvres ne fuſſent accompagnées de cette grace Divine, qui nous ouvre la porte du Paradis. A la vérité, on ne ſauroit non plus nier, qu’une infinité d’autres perſonnes ne priſſent un chemin tout contraire, puiſque nous liſons dans le Texte Sacré[1], que du tems de Noé la malice des hommes étoit arrivée à un tel point que Dieu ſe repentit d’en avoir mis ſur terre, & qu’il fut contraint même de l’inonder pour la purger de tant de crimes, qui s’y commettoient. Mais à l’égard de ceux, qui n’éteignirent point cette lumiere naturelle, dont tous ceux qui viennent en ce monde ſont éclairés, la raiſon autoriſée du contentement de tous les Peres nous oblige de croire, que Dieu les avoit mis par ſa bonté infinie dans la voie de ſalut, & qu’ils étoient dès lors capables d’acquérir, moïennant ſa grace, la félicité éternelle, comme la fin de leur création. Que ſi on l’on dit que le péché originel y apportoit de l’empèchement, Saint Thomas nous apprend, que cette tâche-là leur étoit effacée par la Foi, qui opere encore aujourd’hui de même en tous ceux que le malheur, & non pas le mépris, privé de l’uſage des Sacremens. Quant aux péchés actuels, dont on ne peut douter, qu’ils ne ſe rendiſſent ſouvent coupables, Dieu

  1. Geneſ. cap. 4.