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PREMIERE PARTIE


les leur pardonnoit par ſa miſericorde ſur leur repentance & contrition, aidée en cela d’une grace que l’Ecole nomme surnaturelle.

Car perſonne ne doit ſuivre l’opinion de quelques-uns[1] qui ont crû, qu’aucun ne ſe pouvoit ſauver dans la Loi de la Nature, s’il ne s’étoit tenu exempt de tout crime, & qu’il ne l’eût jamais violée ; ce qui ſemble être au deſſus des forces de nôtre humanité. J’avouë bien, que nous ne ſaurions remarquer aucune offenſe mortelle en ceux, que le vieil Teſtament nous reprèſente comme hommes juſtes & agréables à Dieu, tels qu’ont été Abel, Seth, Enoch, ou Noe. Et certes il eſt fort croiable, que ces premiers hommes, qui venoient preſque de ſortir des mains de leur Créateur, étoient tout autrement vertueux, que ceux, qui ont vécû depuis, & qui n’ont reçu cette premiere ſemence de probité qu’après beaucoup d’alteration. L’anneau, qui a été touché immédiatement de l’Aiman, & celui qui ſuit, ſe reſſentent bien plus de la force magnetique, que ceux, qui en ſont plus éloignés. Les Poètesont mis ſur cela le ſiécle d’or auſſitôt aprés la naiſſance du monde. Et Platon a dit fort pieuſement pour un Païen, parlant de la nature Divine, qu’il s’en faloit rapporter à ce qu’en avoient appris aux autres les pre-

  1. Coſſianus Collas. 8. cap. 23.
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