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DE IULIEN

Entre les choſes, qui nous font reconnoitre le plus clairement, qu’il ne ſe peut faire, que Julien n’eût de grandes vertus mélées parmi ſes vices, l’honneur, que lui rendit ſon ſucceſſeur Jovien n’eſt pas des moindres. Ce Prince étoit ſi Chrétien, qu’il s’offrit à Suidas in perdre ſa ceinture militaire long-tems avant que d’être Empereur[1], & ſe préſenta pour être dégradé, plûtôt que de ſacrifier ſelon l’Qrdonnance de Julien. Et lorſqu’il fut élû en ſa place, il étoit reſolu de renoncer à l’Empire à cauſe de la Réligion, dont il ſaiſoit profeſſion, ſi la meilleure partie de l’Armée ne l’eût aſſuré, qu’elle lui donneroit tout contentement à cet égard, comme le raporte Rufin, & beaucoup d’autres après lui[2]. Cependant ſon zèle pour la Foi ne l’empêcha pas d’eſtimer grandement le mérite de celui, qui l’avoit ſi ſort perſecutée, de lui deſtiner un très ſuperbe Sepulcre, & de dire hautement, que le faux-bourg de Tarſe, ni la riviere de Cydne, quelque claire & agréable qu’elle fut, ne méritoient pas de garder ſes cendres, que la ſeule ville éternelle de Rome, & le Tybre devoient poſſeder[3]. Certes, rien ne pouvoit obliger Iovien à parler ſi avantageuſement d’un tel Prédeceſſeur, que la connoiſſance qu’il avoit des qualités rares & vertueuſes, qui étoient en lui nonobſtant

  1. Suidas in voce Jovianus.
  2. Ruf l. 2.
  3. Amm. Marc. l. 23. Peri lat. & alii.