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DE LA VERTU DES PAY. II. PART.


dans une profeſſion publique du Chriſtianiſme. Il eſt vrai, que tous les Hiſtoriens Eccleſiaſtiques tombent d’accord, que la haine de Conſtantius ſon oncle l’obligea longtems de diſſimuler fon infidelité. Sozomene témoigne, qu’il ſe fit même raſer, feignant de vouloir être Moine, afin de le mieux tromper. Et on aſſure, qu’au lieu d’adorer le vrai Dieu, il adreſſoit ſouvent en cachette ſes prieres à Mercure[1]. C’eſt pourquoi Zoſime le repréſente Payen long-tems avant que d’être Empereur[2]. Et Ammien dit, qu’encore qu’il eût quitté la créance des Chrétiens, il ne laiſſa pas d’aller un jour d’Epiphanie à l’Egliſe, où il fit mine d’y prier Dieu. En fin, auſſitôt, qu’il ſe vit hors de crainte, par la mort de celui, qui le laiſſoit dans une paiſible poſſeſſion de l’Empire, il leva le maſque, ſe déclara Souverain Pontife des Gentils, & paſſa le reſte de ſes jours dans une Apoſtaſie, qui a deshonoré toute ſa vie. C’eſt ainſi qu’un ruiſſeau très agréable, après avoir arroſé mille belles fleurs dans un jardin Roial, ſe va quelquefois jetter dans une puante cloaque. Mais la confuſion des mœurs n’eſt jamais telle, qu’on n’en puiſſe conſidérer le bien & le mal ſeparément, encore que l’un ou l’autre prévale, comme fait ſans doute le dernier, au ſujet dont nous parlons.

  1. Lib. 3.
  2. Lib. 21.