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DE LA VERTU DES PAYENS.


ſance du monde juſqù’à nous, il a preſque toûjours paru des hommes vertueux à qui vraiſemblablement Dieu a pur faire miſericorde, encore qu’ils ne fuſſent pas du nombre des Fideles, par une grâce extraordinaire, dont il recompenſe, quand il lui plait, ceux qui vivent moralement bien. La ſeconde partie a été beaucoup plus étendue, parce qu’elle eſt entrée dans un examen particulier de la vie de dont nous ayons conſidéré les vertus & les vices. Et j’ai porté mon discours juſqu’à faire voir, que les plus criminels ont eu quelquefois des qualités ſi loüables, qu’il y auroit de l’injuſtice à leur en denier la reconnoiſſance, d’autant qu’elle n’offenſe pas la pieté, & qu’on doit ce reſpect à la vérité des Hiſtoires. C’eſt le propre de la Vertu de ſe faire aimer par tout, où elle ſe trouve, mais principalement de ceux qui la ſuivent d’une inclination naturelle. Et puiſqu’il n’y a rien de ſi mauvais dans l’Univers, qu’on ne puiſſe priſer à cauſe de quelque degré de bonté, qui accompagne ſon être ; ce n’eſt pas merveille, que les plus déterminés au mal poſſedent de certaines conditions eſtimables, encore qu’ils ſoient à déteſter d’ailleurs. Le Diable même, comme le remarque fort bien St. Auguſtin, ne laiſſe pas, tout Lib. 19. de Civit. Dei cop. 13. méchânt qu’il eſt, d’avoir quelque choſe de bon, autrement jamais Dieu ne l’auroit créé. Sa na-