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DE LA VERTU DES PAYENS.


Car pour ce qui eſt du pèché originel, l’Ecole nous apprend qu’il étoit effacé en la person-

    ſages ſages de St. Auguſtin ſur ce ſu jet, n’a pû s’empêcher d’accor der dans le Liv. de la corrup. de la Nature par le pèché, aux Gen tils les Vertus Morales, ſe con tentant de les exclure des Chré tiennes, que perſonne à mon avis ne leur voudroit attribuer. Il eſt vrai qu’à cauſe que cet Au teur a cru p. 259.29y. 297. que St. Auguſtin ne reconnoiſſoit point de Vertu qui ne fût Chrétienne, il ajoûte, que dans la doctrine de ce Perel’on eſt obligé decon danner celle des Païens comme fauſſe, & comme étant plûtôt un pêché déguiſé qu’une vraie Vertu. C’eſt une étrange con tradiction de nommerVertuMo rale en un lieu, ce qu’on pré tend ailleurs être un vice. Et nous aurons bien mal emploié le tems & l’argent dans les Col leges, ſi toutes les definitions qui s’y enſeignent duVice & de la Vertu ſont trompeuſes de la façon. Nous avons dit que les Vertus des Gentils comparées aux Chrétiennes leur ſont telle ment inferieures, qu’elles paroiſſent imparfaites, parce que ne pouvant rien produire pour le Ciel comme celles-ci qui ſont accompagnées d’une grace ſur naturelle, les prelimieres ne ſont preſque pas conſidérables dans i deſavantageuſe oppoſition. Ajoûtés à cela que les Chrétiennes étant plus divines qu’humai nes, &, comme l’obſerve ce lui dont nous venons de parler, toutes dans l’excès auſſi bien que les Héroïques ; ce n’eſt pas mer
    veille que les autres qui conſiſtent dans une médiocrité mora le, ne paroiſſent quaſi point au près des premieres. Mais ces comparaiſons ne détruiſent pas la nature des choſes, & cela n’empêche nullement, que la Vertu Morale des Paiens toute inhabile qu’elle eſt ence quitou che le ſalut éternel, ne ſoit une véritable Vertu. Parler autre ment, c’eſt apporter un jargon nouveau dans l’Ecole, qui me ſemble ſi peu intelligible, que j’oſe prendre à témoin la con ſcience de ceux qui s’en ſervent s’ils s’entendent bien eux mê mes là deſſus.

    Et puiſque nous avons été contraints de leur repliquer ce peu que nous venons de dire, qui n’empèche pas, que nous ne reſpections d’ailleurs le zèle & leur ſcience très conſidérables, ils me permettront, s’illeur plair, que je refute en fort peu de pa roles une préſuppoſition qui ſert de baſe à toute leur doctrine tou chant la Vertu des Paiens., Ils poſent pour un article conſtant, qu’elle n’étoit fondée que ſur la vanité & ſur l’amour propre ; d’où ils concluent qu’elle êtoit vicieuſe, & par conſequent in digne de porter le nom de Ver tu. Nous tombons d’accord, que ceux d’entre les Gentils, qui ne l’ont jamais ſuivie que par de ſi mauvais motifs, ne méritent pas le noin de vertueux ; & nous croions même, que le nombre de ceux-ci étoit ſans comparai ſon le plus grand, puiſqu’il n’y