Page:La Motte-Fouqué - Ondine, Hachette, 1913.djvu/35

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Huldbrand acquiesça, et tous deux se mirent à deviser tout en faisant honneur à la cruche. Ondine, naturellement, fit tous les frais de la conversation ; on ne pensait guère qu’à elle. Quand le plus léger bruit se faisait entendre au dehors, le chevalier ou le pêcheur se levait, poussait la porte, interrogeait la nuit d’un regard anxieux. Bientôt, le vieux pêcheur en vint à raconter à la suite de quelles circonstances ils avaient, sa femme et lui, adopté cette étrange enfant. Le chevalier l’écouta avec le plus grand intérêt :

« Un jour, dit le vieillard, il y a de cela environ quinze ans, j’étais allé comme de coutume à la ville pour vendre mes poissons. Ma femme était restée à la maison pour s’occuper des soins du ménage et veiller sur une petite fille que le ciel nous avait heureusement envoyée peu de temps auparavant. Divers projets s’agitaient alors dans ma tête : j’adorais ce coin de terre où j’avais vécu dans la paix, mais je songeais à le quitter pour aller m’établir à la ville et y préparer l’avenir de notre enfant. Je discutais en moi-même les avantages et les inconvénients d’une telle résolution. Je réfléchissais, enfin. Et j’allais tranquillement mon petit bonhomme de chemin, à travers cette même forêt dont on dit tant de choses et où le bon Dieu, quant à moi, m’a toujours gardé de toute rencontre et de tout mal. Hélas ! le malheur devait cependant tomber sur moi, il n’était pas loin, il ne se dissimulait pas parmi ces ombres mystérieuses, non, il était installé à mon