Page:La Motte-Fouqué - Ondine, Hachette, 1913.djvu/41

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« — Chère, dis-je à ma femme, faisons du moins pour cette enfant ce que nous voudrions tant qu’on fît pour notre pauvre disparue.

« Nous déshabillâmes la petite, la mîmes dans un lit bien chaud et lui donnâmes des boissons généreuses et réconfortantes. Cependant, elle ne cessait de nous sourire avec de beaux et bons yeux où se révélait sa petite âme. Le lendemain, comme elle allait bien, je la questionnai sur ses parents et sur l’aventure qui l’avait amenée chez nous. Mais elle ne répondit que par des histoires si extravagantes, pleines de châteaux d’or et de palais de cristal, qu’il nous parut pendant longtemps, à nous autres gens simples, qu’elle était tombée tout droit de la lune sur notre presqu’île. Tout ce qu’on put, à la fin, démêler de son discours, fut qu’elle se promenait avec sa mère en barque, que le bateau avait chaviré, qu’elle s’était trouvée précipitée dans le lac, qu’elle avait perdu connaissance et qu’elle s’était par la suite réveillée, non loin de notre cabane, sous le frais ombrage d’un arbre. Mais quant à rien savoir d’autre, sur son origine, son nom, sa religion même, ses parents, sa demeure, impossible ! Il fallut y renoncer.

« Notre chère fille nous manquait affreusement : il nous vint tout naturellement à l’idée de garder auprès de nous, pour la remplacer, cette petite inconnue que le ciel lui-même semblait avoir pris soin de nous envoyer dans notre malheur. Ainsi en fut-il décidé : la place vide autour de la table familiale fut à nouveau occupée et la