Page:La Motte-Fouqué - Ondine, Hachette, 1913.djvu/83

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le torrent rugit comme la fameuse nuit de l’arrivée du chevalier.

— Mon Dieu ! dit tout à coup le pêcheur, nous sommes là à nous réjouir de notre trouvaille et à la savourer, et le propriétaire de ce bon vin a peut-être bien perdu la vie parmi les rochers du torrent.

— Mais non ! fit Ondine en versant à boire à Huldbrand.

— Sur mon honneur, s’écria ce dernier, si je savais où trouver l’homme dont vous parlez, bon vieillard, je n’hésiterais pas à m’élancer dans la nuit pour lui porter secours…

— Tu dis là une sottise, répliqua Ondine ; si tu te jetais dans pareille aventure, je pleurerais à en perdre mes yeux. Or, tu préfères, je pense, ne pas risquer ta vie et ne pas me faire de la peine, rester auprès de moi et savourer ce bon vin ?…

— Vraiment oui, fit le chevalier.

— Donc, je le répète, tu as dit une sottise, recommença Ondine ; car il faut toujours penser à soi et pas du tout aux autres.

Cette profession de foi eut le don de révolter le pêcheur et sa femme :

— Ne dirait-on pas, s’écria le vieil homme, à t’entendre, que tu as été élevée par des païens ! Que Dieu nous pardonne !…

— Ah ! tant pis ! répondit la jeune fille. J’ai dit ma façon de penser…