Page:La Motte-Fouqué - Ondine, Hachette, 1913.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vertige, se mit à tournoyer sur elle-même ; j’ignore si elle chavira, j’ignore ce qu’il est advenu de mes malheureux bateliers, et je ne sais pas davantage comment ces vagues ont fini par me jeter sain et sauf, mais épuisé d’angoisse, sous les arbres de votre île. En tout cas, je remercie profondément notre Père Céleste de ce qu’après m’avoir sauvé de la fureur des eaux, il m’a conduit chez des gens honnêtes, bons et pieux. Hélas ! peut-être, après vous, ne verrai-je plus jamais visage humain !

— Et pourquoi cela, mon Dieu ? demande le pêcheur.

— Je suis un vieillard au bord de la tombe, répondit le prêtre, et il est bien probable, à mon âge, où les choses vont vite, que je serai couché sous la terre avant que le cours des eaux débordées n’ait recommencé d’être ce qu’il était autrefois.

« Et puis, il faut bien le prévoir, il se pourrait que les eaux en folie, à force de s’étendre entre vous et la forêt, en vinssent à vous séparer totalement du reste de la terre ; les autres hommes, au milieu de toutes leurs préoccupations personnelles, vous oublieraient vite et ne vous porteraient pas secours.

La bonne vieille, à ces mots, ne put s’empêcher de frémir ; elle fit le signe de la croix et murmura :

— Que Dieu nous garde !

Cela fit sourire le pêcheur, qui dit :

— Je ne vois pas ce qui peut t’épouvanter là-dedans, ni en quoi cet événement, s’il se produisait, changerait