Page:La Motte-Fouqué - Ondine, Hachette, 1913.djvu/89

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notre vie, ou tout au moins la tienne. Il y a bien longtemps que tu n’as pas marché plus loin que l’orée de cette forêt et vu d’autres visages humains que le mien et celui de notre Ondine. Le chevalier, et surtout ce bon moine, ne font que d’arriver dans notre minuscule royaume ; si l’état des eaux nous interdisait d’en sortir, nous resterions tous les cinq ici, et tes habitudes n’y perdraient rien.

— Sans doute, répliqua la bonne femme, mais on se fait difficilement à l’idée qu’on est sans recours séparé de ses semblables.

— Tu resterais donc avec nous ! murmura Ondine au chevalier d’une voix douce et en se serrant câlinement contre lui.

Mais Huldbrand tomba dans une profonde méditation. Tout un monde de pensées parut l’envahir ; des images multiples flottèrent devant ses yeux ; tout le pays situé par delà le torrent et la forêt, la ville qu’il avait quittée peu de jours auparavant, son château, ses habitudes, sa vie coutumière, tout cela lui sembla d’un autre temps, d’un passé irréel ; seule, l’île verte et fleurie, baignée par les eaux du lac, se présenta à son esprit dans une réalité charmante, contrée d’amour et de bonheur dont la jolie Ondine était la fleur éternelle. Alors, sans presque se rendre compte de ce qu’il faisait, comme poussé par une volonté mystérieuse, Huldbrand prononça ces paroles :

— Vous voyez devant vous, vénérable prêtre, un couple de fiancés. Faites-nous la grâce de nous unir l’un à l’autre