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LA NATURE.

vers son milieu chez les mâles adultes. Le nombre des anneaux de l’abdomen permet de distinguer les sexes futurs dès le plus jeune âge, ainsi que la forme de la pince.

Les mœurs nous intéressent plus que ces détails d’organisation, toujours un peu arides, mais nécessaires toutefois à connaître. Les Forficules sont des insectes lucifuges, amis des retraites obscures et ne sortant guère qu’au crépuscule. Ils se cachent sous les écorces, sous les pierres, dans les fentes des arbres et des murs, dans les fleurs profondes et les crevasses des fruits tombés. Ils aiment à vivre en société, surtout quand ils sont jeunes. Si on les met brusquement à découvert en faisant pénétrer la lumière éclatante du jour dans leur sombre refuge, on les voit fuir de toute part en courant avec vitesse. Ce sont surtout les matières végétales qui assouvissent leur voracité considérable. Les Forficules vont sucer le nectar des fleurs, mais, malheureusement pour nous, ne se contentent pas de ce miel liquide. Les pièces tranchantes et broyeuses qui constituent leur bouche rongent les pétales, les étamines et la pulpe savoureuse des fruits. Il n’est personne qui n’ait vu tomber dans son assiette quelque maudit Perce-oreille au moment de porter à sa bouche un succulent abricot ou une poire des plus appétissantes. À défaut de végétaux les gourmands insectes se contentent de substances décomposées, de fumier, de bouses desséchées de ruminants, même de cadavres. Si on les renferme sans nourriture dans une boîte, ils se dévorent les uns les autres. Les auteurs anglais rapportent, pour faire pardonner un peu les méfaits des Forficules, qu’elles nous rendent certains services en mangeant des insectes fort nuisibles. On les a trouvées dans les épis de froment attaquant les Thrips et les Cécidomyes ; ces dernières sont des petites mouches dont la larve creuse les grains et peut causer de grands dégâts à la précieuse graminée.

Forficules ou Perce-oreilles.
1. Forficule auriculaire. — 2. Labidoure géante. — 3. Chélidoure dilatée ou aptère.

Nous achèverons peut-être de réconcilier à demi le lecteur avec les Forficules si nous lui racontons leur touchant amour maternel. Il est rare chez les insectes que les mères s’occupent elles-mêmes de leurs enfants après la sortie de l’œuf. Chez les Abeilles, les Fourmis, les Bourdons, les Guêpes, les femelles fécondes sont occupées à une ponte incessante et laissent à d’infatigables nourrices les premiers soins qu’exige leur débile progéniture. Les femelles des Forficules, dépourvues d’organe saillant pour la ponte, déposent leurs œufs dans les petites cavités du sol, sous les pierres, dans les lieux humides. Elles surveillent ces œufs blancs et lisses et les transportent çà et là, afin qu’ils jouissent toujours de l’humidité nécessaire à leur évolution. On les voit les rassembler en tas et les couvrir de leur corps, paraissant les couver. Elles les ramassent si quelque accident les disperse et se placent de nouveau auprès. Les jeunes larves en naissant sont bien plus grandes qu’on ne le croirait en voyant l’œuf dont elles sont sorties ; elles y étaient fortement comprimées et se gonflent. D’abord blanches et molles elles se colorent et durcissent en quelques heures. La mère les retient encore quelque temps auprès d’elle, leur continuant sa protection. De Géer rapporte qu’il les a vues se placer sous le ventre et entre les pattes de la mère et