Page:La Nature, 1873.djvu/116

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
108
LA NATURE.

en a actuellement dans le soleil ; à mesure que la température s’est abaissée, les combinaisons sont devenues possibles, et par suite, les différents corps, d’abord maintenus séparés par l’excessive température à laquelle ils étaient soumis, se sont unis d’après leurs affinités respectives : l’hydrogène et l’oxygène ont formé de l’eau ; l’oxygène et le carbone ont donné de l’acide carbonique ; le chlore et le sodium : le sel marin, etc.

Les roches incandescentes, encore liquides, se sont donc trouvées en contact avec une atmosphère dense renfermant divers gaz, et ceux-ci ont pu y pénétrer, s’y condenser, comme nous voyons l’oxygène pénétrer dans l’argent ou dans la litharge fondus, l’oxyde de carbone et l’hydrogène dans le fer ou la fonte. Il est possible que ces roches se soient chargées en plus grande quantité d’acide carbonique que des autres gaz existants dans l’atmosphère, par une sorte d’affinité relative, exactement comme l’argent se charge d’oxygène et non d’azote, bien qu’il soit fondu dans l’air ordinaire.

Pour que nous puissions trouver l’origine de l’acide carbonique des volcans, dans les roches encore incandescentes et abandonnant lentement, à mesure qu’elles se refroidissent, les gaz qu’elles renferment, par suite d’un phénomène de rochage se continuant pendant des milliers d’années, il faut qu’il y ait eu dans l’atmosphère primitive du globe une quantité immense d’acide carbonique ; mais cette hypothèse n’a rien qui nous choque.

Il est clair, en effet, que dans l’atmosphère primitive l’oxygène était en excès, comme il l’est encore aujourd’hui dans l’atmosphère actuelle ; et, quand par suite de l’abaissement de température du globe, les combinaisons ont été possibles, il a dû se former de l’acide carbonique ; celui-ci, au contact des roches fondues qui formaient la surface, s’y est probablement dissous peu à peu ; et comme les dislocations étaient fréquentes, que les roches ne séjournaient pas constamment à la surface, mais étaient souvent remplacées par d’autres venant des profondeurs, on conçoit qu’une masse considérable d’acide carbonique ait pu être occlus ainsi peu à peu. Tant que la température des roches s’est maintenue au-dessus de leur point de fusion, elles ont conservé le gaz qu’elles renfermaient ; mais celui-ci a commencé à se dégager, au moins partiellement, au moment de leur solidification ; et si, comme tout le prouve, il existe encore dans les profondeurs du globe une masse incandescente dont le refroidissement se poursuit d’une façon constante, le dégagement du gaz continue par les évents volcaniques qui mettent en communication ces profondeurs avec notre atmosphère.

Le gaz acide carbonique ne saurait au reste s’accumuler dans notre atmosphère en quantité notable ; en effet, les parties vertes des végétaux le décomposent, et toute la matière organique qui existe sur le globe renferme du carbone provenant de cette décomposition ; en outre, l’acide carbonique est soluble dans l’eau ; la pluie qui lave notre atmosphère l’entraîne dans les eaux courantes jusque dans la mer. Là, son rôle n’est pas terminé ; il dissout du carbonate de chaux et le met à la disposition de tous les animaux marins, qui en confectionnent leurs coquilles, leurs demeures, et finissent par constituer de véritables îlots, souvent dangereux pour les navigateurs quand ils ne sont pas encore émergés.

Les immortelles recherches de Lavoisier nous ont appris que la matière était indestructible ; mais la série de métamorphoses qu’accomplit un même corps est loin d’être encore complètement connu, et il n’est pas sans intérêt de suivre ces longues migrations de la matière et de déterminer les formes variées qu’elle affecte, les gisements successifs qui la recèlent. L’acide carbonique de l’atmosphère primitive du globe, dissous par les roches incandescentes et enfoui dans les entrailles de la terre, y a séjourné des milliers d’années. Peu à peu cependant, à mesure que le refroidissement du noyau central se continue, il s’échappe de sa prison souterraine et remonte jusqu’à notre atmosphère, où, entraîné par l’eau de la pluie, il est conduit par les rivières dans le sein de la mer. Là enfin il dissout le carbonate de chaux et fournit aux microscopiques animaux marins la matière première, qu’ils mettent en œuvre, pour faire surgir des abîmes océaniques, les îles madréporiques, destinées peut-être à former un jour de nouveaux continents !


L’OPPOSITION DE LA PLANÈTE FLORE

Quelques mois avant d’être appelé de nouveau à la direction de l’Observatoire national, M. Leverrier signalait à l’Académie des sciences le parti que l’on peut tirer, pour la solution des plus grandes questions d’astronomie générale, de l’étude approfondie du groupe des petites planètes.

L’installation de la nouvelle administration est de date trop récente pour que les projets du savant astronome aient déjà produit des mémoires et des découvertes de ce côté du détroit ; mais il n’en est pas de même en Allemagne.

M. Galle, de Breslau, qui doit sa célébrité à l’heureuse découverte de la planète Neptune, dont M. Leverrier avait indiqué à l’avance la position, ne pouvait laisser passer inaperçu les suggestions nouvelles de l’astronome français ; Aussi voyons-nous sans surprise que M. Galle se met à la tête d’une croisade astronomique dont le but serait d’observer la prochaine opposition de Flore, afin d’en déduire une valeur de la distance du Soleil à la terre.

Sa méthode, ainsi que la plupart de celles qui nous viennent d’Allemagne, n’est qu’une application nouvelle de procédés connus. M. Galle propose d’observer Flore lors de son opposition, comme on l’a fait pour Mars, afin d’en tirer une valeur approchée de la distance de la Terre au Soleil.