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LA NATURE.

l’on prolonge l’axe du val Mareno, on voit qu’il correspond nettement à ce massif si important. Il en est donc ainsi de la direction des secousses qui, comme notre carte l’indique, semble également avoir coïncidé avec le Thalweg de la vallée.

Quoi qu’il en soit, il y a déjà bien des siècles que Bellune n’a été ravagé par des tremblements de terre. Il faut remonter jusqu’aux premières années du douzième siècle, pour trouver la trace d’un événement analogue, qui, à cette époque, termina la période de quatre ou cinq siècles pendant lesquels les tremblements de terre ont été très-fréquents dans tout le district alpestre. Au douzième siècle, comme de nos jours, Trévise et Feltre paraissent avoir été épargnés, car les habitants de ces villes sont venus au secours de leurs compatriotes, victimes du fléau, avec une générosité que probablement leurs successeurs de 1873 ne parviendront point à dépasser.

On a découvert, depuis quelques années, dans le val Mareno, des gisements, actuellement exploités, de lignites. Ces lignites servent de combustible pour alimenter plusieurs industries locales. La couleur rouge subitement prise par les eaux de la Vena d’Oro indique qu’il y a quelque part, dans les profondeurs de la terre et dans le voisinage de la Vena, des gisements de fer oxydé, peut-être exploitables.

Il n’y a pas de catastrophes dont la science ne puisse tirer un parti véritablement avantageux. Mais dans des siècles d’ignorance et de superstition, la vue d’une rivière couleur de sang aurait été probablement exploitée par des charlatans éhontés !

Les observations du tremblement de terre ont été faites à Venise, avec beaucoup de précision, par un correspondant du Times. D’après ce savant, les secousses semblaient se suivre avec une sorte de régularité.

C’est une remarque qui a été faite bien des fois, et que l’on rencontrerait presque toujours dans les récits des observateurs, s’ils n’étaient trop souvent troublés par la crainte qu’ils éprouvent, pour profiter de ce qu’ils entendent, de ce qu’ils touchent et de ce qu’ils voient. Avec quel enthousiasme n’étudieraient-ils pas ces grandes et belles crises s’ils étaient certains d’y échapper !

Ne peut-on, en effet, appliquer à la nature ce que le roi de Danemark disait avec tant d’à-propos, d’Hamlet : « Il est fou, je le veux bien, mais il y a une méthode dans sa folie. »


REVUE AGRICOLE
LES CONCOURS RÉGIONAUX. — RÉORGANISATION DU CONSEIL SUPÉRIEUR DU COMMERCE, DE L’AGRICULTURE ET DE L’INDUSTRIE. — LA FENAISON.

L’agriculture est entrée dans la saison de ses travaux les plus importants. De tous côtés ont eu lieu les concours régionaux, les comices agricoles, et malgré les désastres éprouvés par les départements envahis, nous avons été heureux de constater que le courage et l’énergie n’avaient point abandonné les cultivateurs de notre malheureux pays.

Parmi les améliorations qu’on se propose de réaliser dans les concours, nous signalerons la réforme des programmes dans un sens plus spécial à chaque contrée, dans le but d’encourager surtout la culture des végétaux et des animaux de chaque région agricole.

Un autre vœu, très-important c’est que, dans les concours régionaux, l’espèce chevaline soit admise au même titre que les autres espèces d’animaux domestiques, et indépendamment de l’administration des haras. Si, depuis vingt-cinq ans, les agriculteurs avaient pu agir sur la production du cheval, l’élevage serait aujourd’hui considérablement amélioré, car il est incontestable que les concours régionaux sont les meilleurs stimulants de la prospérité agricole. Aussi est-il très-important que l’Assemblée nationale ne supprime pas les allocations qui sont destinées à ces concours.

Puisque nous sommes dans les questions de réorganisation, nous devons dire que le nouveau ministre de l’agriculture et du commerce, M. de la Bouillerie, a inauguré son entrée en fonctions par la réorganisation du conseil supérieur du commerce, de l’agriculture et de l’industrie. Ce conseil, après divers changements, avait été rétabli par les décrets des 13 mars et 6 mai 1872. La nouvelle réorganisation augmente le nombre des membres et divise le conseil en trois sections, correspondant aux trois grands intérêts : commerce, agriculture et industrie sur lesquels il sera consulté.

Le temps a été presque partout très-favorable à la fenaison, opération qui paraît bien simple et sur laquelle on a beaucoup discuté. Il paraît néanmoins hors de doute, aujourd’hui, que les combinaisons alimentaires, résultant de l’opération du fanage, sont plus complètes ou mieux conservées dans les foins obtenus par la fermentation concentrée que par le séchage extérieur tel qu’on le pratique. Les inconvénients de celui-ci sont réels. Par le mauvais temps, il est, difficile, onéreux et ne donne qu’un fourrage dont les qualités sont plus ou moins détruites, et qui même peut être avarié ; par un soleil trop ardent et sous l’influence d’un air trop desséchant, il favorise la chute des fleurs et des feuilles, et ne fournit plus que des tiges dures et ligneuses, dépouillées de leurs parties les plus riches et les plus alimentaires. Le faneur reste bien plus maître de l’opération lorsqu’il procède par fermentation.

Le même moyen est applicable au fanage du trèfle, de la luzerne ou de la vesce. L’expérience a démontré que ces plantes, difficiles à dessécher au point voulu par le séchage appliqué au fanage des foins naturels, devenaient friables et cassantes par un temps très-chaud ou très-sec, et perdaient alors le meilleur de leur substance ; ce sont ces inconvénients qui ont montré les avantages de la fermentation.