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LA NATURE.

campagne. Seulement, la dépense est toujours fort élevée. Chacune des piles du pont de Kehl est revenue à 500 000 francs.

Les ouvriers, placés dans le caisson ou au fond des tubes, travaillent sous une pression de deux, trois et même quelquefois trois atmosphères et demie. On s’est demandé quelle influence cela exerce sur leur santé. Un médecin de la Compagnie de l’Ouest, le docteur Foley, a suivi avec beaucoup de soin les travaux de fondation du pont d’Argenteuil. Il en a retiré les conclusions suivantes :

La première fois que l’on entre dans l’écluse à air, l’impression est fort pénible, douloureuse même. La tête, les oreilles surtout, sont le siège de douleurs quelquefois très-vives. Une fois dans l’air comprimé, l’homme n’éprouve plus guère de gêne ; il peut même y séjourner sans inconvénients durant plusieurs heures. Mais, à la sortie, les douleurs reparaissent, souvent plus intenses qu’à l’entrée. Cela dépend au reste de deux circonstances accessoires, d’abord le degré de pression intérieure et aussi la rapidité des opérations d’éclusement ou de déséclusement. Au bout de quelque temps, on n’éprouve plus rien au passage des écluses. En somme, des ouvriers bien portants et d’une bonne constitution peuvent se livrer à ce travail des mois entiers sans en souffrir aucunement, à condition, cependant, que le séjour dans l’air comprimé soit réduit à trois ou quatre heures consécutives, lorsque la pression dépasse trois atmosphères.

De toutes les méthodes introduites récemment dans l’art des constructions, les fondations par l’air comprimé sont sans contredit ce qu’il y a de plus remarquable. C’est aussi l’invention qui a rendu le plus de service aux ingénieurs. Il y a un siècle, lorsqu’on voulait construire un pont sur le Rhône ou la Loire, on y mettait quinze à vingt ans, et encore n’était-on jamais certain d’obtenir la solidité requise. On exagérait l’épaisseur des ouvrages en maçonnerie par crainte de ne leur pas donner une base suffisante. Aujourd’hui, on édifie en quelques mois un pont sur un fleuve d’un kilomètre de large.

H. Blerzy.

LA DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE
DES HUILES MINÉRALES.

Le rôle important que le pétrole joue dans l’industrie, depuis plusieurs années, l’abondance des gisements, sont autant de motifs qui excitent l’intérêt des recherches des sources. Linné classait toutes les huiles sous la dénomination de « minéraux inflammables » comprenant les bitumes, l’ambre, le charbon et les huiles de naphte. Plusieurs autorités compétentes ont admis que les huiles naturelles ne sont que le produit de la distillation du bitume.

Les sources bitumineuses sont connues depuis la plus haute antiquité ; celles de l’Euphrate, de la Judée, les sources de naphte de Bakou, sur la mer Caspienne. L’asphalte de la mer Morte, a provoqué autant par son abondance que par les propriétés qu’on lui attribue, les commentaires de beaucoup de voyageurs. La même observation s’applique aux gisements de Bakou, dont les gaz inflammables ou vapeur de naphte, produisent des phénomènes remarquables. On a même érigé en cet endroit un temple consacré au feu naturel, comme il en existe un à Kangra, dans le Punjab ; l’un et l’autre sont devenus un but de pèlerinage.

Les dépôts d’huiles minérales n’ont pas toujours été exploités ; une crainte superstitieuse empêchait de s’en servir. Mais aux environs de la mer Caspienne, les voyageurs anciens et modernes s’accordent pour reconnaître leur permanence ; l’industrie moderne n’a pas craint d’ériger, à Bakou, une fabrique de paraffine, à côté de l’Île-Sacrée, où était le temple du Feu.

Il existe une certaine relation entre les volcans de boue et les sources d’huiles naturelles ; ces rapports sont manifestes entre les volcans de boue de la Sicile et ceux de Crimée, quoique dans d’autres endroits le même fait n’ait pas été signalé. Un des exemples les plus frappants se rencontre à Hinglaj, près de la côte sud du Beloutchistan, L’émission des gaz, signe précurseur de substances inflammables intérieures, est très-commune dans les volcans de boue.

Ce phénomène se manifeste dans le Caucase, en Italie, dans l’Amérique du Sud et tout particulièrement en Chine, où les puits de gaz servent aux habitants pour leurs usages domestiques. Avant la découverte des sources de Pensylvanie, les puits de Burmah étaient assez abondants pour fournir l’exportation. On rencontre encore des dépôts importants d’huiles minérales dans le Pégou, et on observe des émissions de gaz à Chittagong, que l’on nomme les fontaines ardentes de Bramah. Il existe aussi des gisements de combustibles minéraux à Assam, où l’on creuse des puits d’extraction. Dans ces derniers temps, on a découvert des régions pétrolifères, au sud de l’Inde et même en Australie ; à Sumatra, on a vu tout récemment des sources d’huile naturelle mélangée de pétrole.

La distribution géographique de ces produits minéraux n’est pas localisée ; on en trouve sur tous les points du globe. Cependant, il semble qu’ils sont plus particulièrement répartis dans les bassins des grands fleuves, comme l’Indus, l’Euphrate et leurs tributaires, dans le Saint-Laurent, au Canada, dans le Mississipi, dans le Rio-Colorado et les autres rivières de Californie et du Mexique. On les voit aussi dans les bassins de dépression des lacs, tels que la mer Caspienne et la mer Morte. On trouve encore des huiles minérales pures ou mélangées de matières bitumineuses, dans les îles de la Méditerranée, en Sicile, dans l’archipel grec et à l’île de Ceylan.

Parfois l’huile minérale se trouve accompagnée de substances de nature toute différente. Ainsi, dans