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LA NATURE.

guerres que l’on rencontre partout hélas ! à la surface du sphéroïde terrestre. Détournons les yeux de ces scènes navrantes, pour envisager les résultats scientifiques de la nouvelle exploration.

Les recherches géographiques de l’abbé David ont eu principalement pour but d’étudier le cours d’un grand fleuve Chinois, le Kan-Kian, qui traverse la ville d’Han-Tchong-Fou et va se jeter plus loin, dans le fleuve Bleu, actuellement exploré, comme nous l’avons dit, par un autre de nos compatriotes, M. Francis Garnier[1]. Au nord des monts Tsin-Lin, l’abbé David a rencontré des gisements houillers assez considérables ; il a eu même la bonne fortune d’étudier le mode d’exploitation usité par les Chinois dans les collines de Lean-Chan. Il existe là des massifs géologiques fort puissants formés d’un calcaire cristallin, sonore comme un métal, et qui donne une chaux vive d’excellente qualité. Le combustible nécessaire à la transformation du carbonate de chaux naturel en chaux vive est précisément extrait des houillères voisines, que les habitants exploitent sur une grande échelle. Les calcaires de Lean-Chan abondent en coquilles fossiles, ils en sont pour ainsi dire formés de toute pièce ; ces coquilles sont de dimensions très-variables, il en est d’aussi fines qu’un cure-dent, tandis que d’autres atteignent la grosseur du bras.

On se rappelle que l’abbé David, lors de ses précédents voyages, a rapporté en France des collections incomparables d’animaux empaillés, de pierres, de roches, de produits divers peu connus et souvent nouveaux ; il n’en sera pas de même cette fois, comme vient de l’annoncer une lettre récente de M. Francis Garnier. Ce dernier voyageur a rencontré l’abbé David au point où le Han-Kian se réunit au fleuve Bleu ; l’infortuné missionnaire avait perdu dans un naufrage sur le Han-Kian toute sa précieuse cargaison. La barque qui portait l’explorateur et sa fortune de collections a sombré, engloutissant avec elle d’innombrables objets recueillis au prix des plus persévérants efforts. Cet événement a vivement frappé l’esprit de l’abbé David, qui a pris la résolution de revenir en France, où il ne tardera pas à nous rapporter, à défauts d’échantillons, des récits du plus haut intérêt et des faits toujours utiles à inscrire dans les annales de la science.


LA TÉLÉGRAPHIE ATMOSPHÉRIQUE
LE MATÉRIEL ET LES DÉPÊCHES.

(Suite. — Voy. pages 193 et 232.)

Boîtes à dépêches. — Les voyageurs qui prennent place dans les convois lilliputiens que nous avons décrits sont des plis fermés contenant un message. On les empile par groupes de 30 à 40 dans un curseur. Ce curseur ou boite est formé de deux cylindres : l’un intérieur, en tôle ; l’autre extérieur, en cuir, servant d’enveloppe au premier. Pour composer un train, il faut ajouter après la dernière boîte un piston, afin de ne pas perdre la pression de l’air. Le piston est un morceau de bois garni d’une collerette en cuir, qui prend la forme intérieure du tube et constitue un joint presque hermétique, sans trop de frottement.

Appareil de réception et d’expédition. — Nous avons donné dans le précédent article le dessin du récepteur adopté d’abord, il est fort simple et peu encombrant ; l’expédition se fait par la même porte qui sert à l’extraction des boîtes. Quand il faut transborder un train d’une ligne dans une autre, cette manœuvre n’est ni assez rapide ni assez commode. On emploie maintenant un système plus complet qui est représenté ci-contre.

Le dessin s’explique de lui-même : deux lignes pénètrent dans le bureau, aboutissant chacune à un appareil distinct. Au premier plan, un agent ouvre la porte A au moyen du levier d qui sert à l’expédition ; les boites et le piston sont jetés dans le tube, et attendent au point bas le courant d’air qui doit les propulser. Ce courant est produit au moment de l’ouverture du robinet c, qui commande la tête de l’appareil opposée au tube. Le robinet c′ distribue l’air sur la seconde ligne. Au second plan, la porte de réception B est ouverte par un deuxième agent, le train est en gare, les boîtes attendent qu’on les retire du tube pour donner le jour aux télégrammes. Tout cet attirail a quelque chose de la forme d’un canon ; l’effet seulement est plus bénin, les artilleurs ne sont pas exposés à être tués ; le pire accident qu’ils aient à redouter est de boucher le tube. Nous reviendrons sur cet inconvénient, qui se produit très-rarement.

Avant de quitter l’appareil horizontal, nous indiquerons une disposition qui est usitée, lorsqu’au lieu de l’appliquer à un poste tête de ligne, on le fait fonctionner dans une station intermédiaire. Cette distinction se rattache au groupement des bureaux par rapport aux moyens de production de force. Il est évident, en effet, qu’il n’est pas nécessaire que chaque bureau ait à sa disposition une provision d’air comprimé ou raréfié pour desservir les lignes adjacentes. On conçoit très-bien, qu’au moyen de centres de production repartis, par exemple, de trois en trois kilomètres, on puisse desservir trois sections consécutives.

L’installation de la station intermédiaire sera calquée sur celle de l’écluse d’un canal. Lorsque le train aura franchi la première section, une valve convenable maintiendra la pression à l’amont pendant l’opération du transbordement du train, et un robinet de communication, ouvert à propos, permettra à l’air de passer de la première section dans la seconde, pour pousser le train qui y aura été engagé. Le lecteur complétera cette esquisse ; par cette description sommaire, il aura une idée des divers dispositifs de

  1. Voy. Voyage d’exploration en Indo-Chine, p. 152.