Page:La Nature, 1873.djvu/259

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
251
LA NATURE.

cées suivant une certaine précision, des charpentes régulièrement construites. Les fleuves qui arrosent les grandes plaines des continents sont aussi distribués avec ce caractère d’harmonie qui préside à toutes les créations de la nature.

Dans l’ancien continent, les plus grandes chaînes de montagnes se dirigent d’occident en orient, et celles qui s’étendent du nord au sud en sont les rameaux secondaires. Les plus grands fleuves se déroulent dans la direction qui leur est imposée par ces proéminences du sol. L’Euphrate et le golfe Persique, le fleuve Jaune, le fleuve Bleu, tous les grands cours d’eau de la Chine cheminent de l’est à l’ouest, et il en est de même des principales artères de tous nos continents. Les principaux cours d’eau de l’Afrique et de l’Asie, les lacs, les eaux méditerranéennes s’étendent encore de l’occident à l’orient, ou de l’orient à l’occident, le Nil et quelques rivières de la Barbarie font seuls exception.

Le continent du nouveau monde nous offre la même précision dans la distribution des artères liquides qui le traversent ; une énorme chaîne de montagnes divise, sépare l’Amérique en deux versants ; les eaux qui glissent sur ces pentes immenses se dirigent vers la mer, en sillonnant le sol, d’occident en orient, ou inversement.

Tel est le coup d’œil d’ensemble, le spectacle vu de loin. En examinant de plus près le système d’irrigation continentale, on voit les fleuves se replier avec irrégularité, étendre ou rétrécir les eaux, suivre tantôt la ligne droite et tantôt la ligne courbe, décrire mille sinuosités, serpenter dans la vallée, se resserrer dans les rochers et les détroits, glisser rapidement sur les pentes ou stationner dans les bas-fonds, courir au-dessus des rapides, se précipiter dans les cascades ou se reposer dans les lacs.

Généralement la largeur des fleuves augmente depuis la source jusqu’à l’embouchure ; quand on remonte le courant, les rives se rapprochent. Généralement aussi les courbes qu’ils décrivent sont plus nombreuses à l’approche de l’Océan. Dans l’intérieur des terres, ils suivent souvent la ligne droite ; près du rivage, au contraire, ils tracent des courbes nombreuses et se replient sur eux-mêmes : ils remontent vers les continents, puis descendent vers l’Océan et parcourent ainsi, dans un petit espace, des directions inverses. On dirait que le fleuve généreux n’a pas assez prodigué de bienfaits au territoire qu’il arrose, il paraît abandonner à regret les continents qu’il a fécondés.

Les plus grands fleuves de l’Europe sont : le Volga, qui a 3 340 kilomètres de parcours ; le Danube, qui en a 2 750 ; le Don, 1 780 ; le Dnieper, 2 000 ; la Vistule, 960.

En Asie, le fleuve Yangt-tse-Kiang se promène à la surface du sol sur une étendue de 5 330 kilomètres ; le Cambodge trace une courbe de 5 890 kilomètres ; le fleuve Amour, de 4 380 ; le Gange glisse ses eaux dans un lit de 3 000 kilomètres ; l’Euphrate, de plus de 2 000.

Le Sénégal, en Afrique, accomplit un voyage de 4 500 kilomètres, en y comprenant le Niger, qui n’est qu’une continuation de ce grand fleuve. Le Nil a environ 3 880 kilomètres d’étendue.

Enfin, l’Amérique est sillonnée par les artères fluviales les plus grandes, les plus larges du monde entier. Le Mississipi fertilise les contrées qu’il traverse sur une longueur de 7 000 kilomètres environ, et la superficie de son bassin est d’environ 180 000 lieues carrées, plus de sept fois la surface de l’empire français ! la largeur du grand fleuve américain est de 300 à 900 mètres, depuis le saut de Saint-Antoine jusqu’au confluent d’Illinois ; de 2 500 mètres au confluent du Missouri ; et de 1 500 mètres à la Nouvelle-Orléans, au confluent d’Arkansas. Sa profondeur est de 15 à 20 mètres, au confluent de l’Ohio ; et de 60 à 80 mètres, entre la Nouvelle-Orléans et le golfe du Mexique. Sa vitesse est de quatre milles à l’heure, et, au moment des fortes crues, il est très-difficile à remonter. L’Orénoque a 2 300 kilomètres de parcours ; le fleuve de la Plata, 3 200.

Mais bien plus puissant encore est le vaste courant du fleuve des Amazones, qui s’unit aux eaux de l’Atlantique par un estuaire de 300 kilomètres. Tout est colossal dans ce fleuve, qui rend à l’Océan toute la pluie et la neige récoltées par un bassin de 7 millions de kilomètres carrés. Il est si profond, que les sondes de 100 mètres ne peuvent pas toujours en mesurer les abîmes ; il est si large, que les vaisseaux le remontent sur près de 1 000 lieues de distance, et que l’horizon repose sur ses eaux en cachant ses rivages. C’est une véritable mer d’eau douce qui, pendant les crues, débite, avec une vitesse de 8 000 mètres à l’heure, 244 000 mètres cubes d’eau, c’est-à-dire le volume d’eau que fourniraient à la fois 3 000 fleuves comme la Seine.

Les fleuves les plus rapides sont le Tigre, l’Indus, le Danube, etc. Tous les grands cours d’eau reçoivent dans leur lit un grand nombre de rivières qui forment autour de l’artère principale des ramifications plus ou moins abondantes. Le Danube reçoit dans son sein plus de 200 rivières ou ruisseaux ; le Volga, 33, etc.

Si la mer était à sec, il faudrait aux fleuves de la terre 40 000 ans pour remplir le vaste bassin de l’Océan.

Que de variété d’aspects, que de diversité de tableaux nous offre le cours de tous ces fleuves ! Ceux-ci roulent des eaux bleues et vermeilles sur un lit de cailloux siliceux, ceux-là glissent une eau jaunâtre sur un fond limoneux ; en voici qui serpentent sur un sol fertile et parcourent des collines émaillées de toutes sortes de productions végétales ; en voilà qui roulent à travers des rochers abrupts, ou dans des sables infertiles.

Dans nos climats, ce sont les gazons frais et fertiles, les peupliers, les saules, qui recherchent l’eau bienfaisante et enfoncent leurs racines dans le sol humide. En Afrique, les palmiers reflètent leur gra-