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LA NATURE.

Fitch, entomologiste de l’État de New-York, décrit pour la première fois en 1854 sous le nom de pemphigus vitifoliœ, la forme de phylloxéra qui produit des galles sur les feuilles du frost-grape, du Delaware, et de plusieurs autres vignes américaines.

Westwood, professeur à l’université d’Oxford, constate en 1863 la présence d’un hémiptère intermédiaire, entre les aphidiens (pucerons) et les coccidés (cochenilles, kermès), dans les verrues creuses qui couvraient les feuilles de vignes cultivées à Hammersmith, aux environs de Londres. Le même auteur reconnaît, en 1867, que cet insecte (qu’il décrit sous le nom de peritymbia vitisana) attaque les racines aussi bien que les feuilles. Il admet, en 1869, l’identité du péritymbia avec le phylloxéra français.

Fig. 2. — 1. Femelle adulte. — 2. Jeune femelle (aptères, grossies). — 3. Fragment de racine avec groupes de phylloxéras de grandeur naturelle.

Le 15 juillet 1868, dans la Provence, le phylloxéra est signalé, pour la première fois, comme l’auteur de la nouvelle maladie de la vigne, par MM. Planchon, Bazille et Sahut, délégués de la Société d’agriculture de l’Hérault. Le parasite est décrit par M. Planchon, professeur à la Faculté des sciences de Montpellier, sous le nom de rhizaphis vastatrix, qui fut changé plus tard par le même auteur en celui de phylloxéra vastatrix, en raison de l’étroite affinité qui relie le nouvel ennemi de la vigne à un parasite du chêne déjà désigné par Boyer de Fonscolombe sous le nom de Phylloxéra quercûs (de φύλλον, feuille, et de εηραίνω, je dessèche).

Exactement, un an plus tard, vers la mi-juillet 1869, le phylloxéra qui n’avait encore été vu en France que sur les racines, est découvert par M. Planchon, à Sorgues, près d’Avignon, logé dans des galles formant saillie à la face inférieure des feuilles. Très-peu de jours après, le 25 juillet 1869, M. Laliman, viticulteur dans le Bordelais, découvrit aussi de son côté le phylloxéra des galles.

Histoire naturelle du phylloxéra. — Le phylloxéra n’est jamais vivipare comme les pucerons, qui ne pondent qu’une fois dans l’année, en automne, après l’apparition des mâles. En toute saison et sous la forme ailée comme sous la forme aptère, le nouveau parasite de la vigne ne pond jamais que des œufs. L’expérience directe a montré que ces œufs sont féconds sans copulation préalable : des larves, écloses dans des bocaux complètement fermés, ont pondu, sans aucun secours, lorsqu’elles furent arrivées à un certain état de croissance. Leurs œufs ont donné naissance à de nouvelles larves, qui, au bout d’un certain temps, se sont mises à pondre à leur tour : c’est donc un nouveau cas de parthénogenèse à placer à côté de ceux, qui nous sont offerts par les pucerons à l’époque de leur viviparité, par les abeilles, les daphnies, etc.

Fig. 3. — Phylloxéra vastatrix.
Femelle ailée et jeune femelle aptère, vues en dessous et très-grossies.

La ponte commence au printemps pour s’interrompre dès les premiers froids. Chaque femelle fournit de trente à quarante œufs, qu’elle groupe autour d’elle en tas irréguliers, n’adhérant que faiblement aux racines à l’aide d’une légère viscosité. Ces œufs, remarquables comme, au reste, ceux de beaucoup d’autres parasites, par leur grande force de résistance aux causes de destruction, consistent en de petits ellipsoïdes allongés, à surface lisse ; le grand axe est d’environ 32 centièmes de millimètres, et le petit axe de 17 centièmes. Leur couleur jaune-clair permet de les apercevoir aisément à la surface des racines, qui forme un fond de couleur foncée sur lequel ils se détachent avec la plus grande netteté.

L’éclosion s’opère au bout de douze, de huit ou même de cinq jours, suivant la température.

Les jeunes phylloxéras (fig. 2, 2 et 3, 2), de même couleur que les œufs dont ils sont issus, se montrent sveltes, agiles et dans un état de turbulence continuelle. Ils errent çà et là, à la recherche d’une nourriture plus fraîche et plus succulente que la racine épuisée où a vécu la génération précédente. Ils pal-