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LA NATURE.

vant qu’on rencontre rarement dans les Mémoires de l’Académie des sciences.

Les planches qui accompagnent ce charmant travail sont dessinées et coloriées avec soin. Elles montrent toutes les phases de ce drame de la vie intime d’animaux qu’on croyait dépourvus de toute intelligence.

Les poissons réhabilités se montrèrent sous un jour nouveau et vrai ; on s’intéressa, on se passionna même pour les péripéties de cette lutte de l’amour paternel contre des ennemis innombrables. Car l’industrieux mâle ne se borne point à construire son nid avec un art admirable ; il n’a pas seulement le talent d’attirer la femelle inconstante, sous le toit qu’il lui a si laborieusement préparé ! c’est lui qui défend les œufs avec un véritable héroïsme pendant tout le temps de la maturation, et qui agite l’eau autour de ces objets si chers afin d’éviter que des byssus ne s’y développent et ne les empêchent d’éclore.

W. de Fonvielle.

La suite prochainement.


LE DÉNOUEMENT DE L’HISTOIRE DU POLARIS

La seconde partie de l’équipage du Polaris qui a été retrouvée dans les mers polaires vient de regagner le rivage de l’Europe.

Au moment où sévit la tempête du 15 octobre qui sépara du bâtiment 19 matelots du Polaris, la plus grande partie des provisions : viande conservée, pommes de terre, thé, sucre, café, embarcations et jusqu’aux vêtements avaient été débarqués sur le glaçon où comptait se réfugier tout entier l’équipage du malheureux bâtiment à demi défoncé par les icebergs. Par cette nuit obscure, avec ce vent déchaîné et cette neige qui tombait à flots pressés, le Polaris fut emporté à travers une mer relativement ouverte au milieu de blocs énormes qui s’entre-choquaient, avec un bruit terrible. Aussitôt que la tempête fut un peu apaisée, les 14 matelots restés à bord explorèrent l’horizon, espérant apercevoir leurs 19 malheureux compagnons qui avaient été entraînés par la bourrasque. Ce fut en vain. À bord du Polaris, la situation était affreuse ; un bâtiment qui coulait bas d’eau et qu’on ne pouvait maintenir que par le jeu constant des pompes, peu de vivres, pas de vêtements et très-peu de charbon, c’était une mort certaine et à courte échéance. Il fallut éteindre aussitôt tous les feux, sauf celui de la pompe à vapeur, sans laquelle le bâtiment eût été bientôt rempli. On avait fait déjà du chemin lorsqu’on aperçut la petite île Littleton ; le bâtiment y fut échoué et l’équipage s’empressa de débarquer toutes ses provisions qui, bien ménagées, pouvaient lui assurer une existence de quatre mois. Une hutte fut élevée sur la glace, non sans peine toutefois, car il fallut entraîner des matériaux pendant un quart de mille sur une glace raboteuse, à travers des morceaux de neige. Fort heureusement un petit campement d’Esquimaux n’était pas loin ; ils furent aux naufragés d’un grand secours, leur procurant des peaux et des fourrures ainsi qu’une ample provision de foies de morses, préservatif certain contre le scorbut. Une fois que le stock de charbon fut épuisé, et rien n’en fut perdu, l’équipage se mit à dépecer la mâture du navire, qui s’était enfoncé aussitôt que la pompe avait cessé de fonctionner.

Ce fut pendant une de ces visites au Polaris que le second, Henri Cherter, eut l’idée de construire une embarcation avec les planches légères qui garnissaient les cabines des officiers. Son idée fut approuvée par le reste de l’équipage, mais l’exécution n’en fut pas facile, car il n’y avait à bord qu’un seul charpentier, et les gants et les fourrures dont les mains et le corps des matelots étaient enveloppés rendaient leurs mouvements lents et difficiles. Enfin, à force de travail et de persévérance, deux embarcations furent achevées au commencement de l’été. Ce fut à la fin de juin que l’équipage abandonna le Polaris et la hutte qui leur avait servi de demeure pendant plus de huit mois. Le temps ne les favorisa pas tout d’abord, et pendant une journée ils ne cessèrent d’être couverts par les vagues qui passaient au-dessus de leurs têtes. Vingt jours de suite, ils errèrent sur la mer, ne pouvant faire de feu et mangeant crus les oiseaux qu’ils avaient abattus, se réfugiant toutes les nuits sur un glaçon, n’ayant pour se réchauffer que la chaleur d’une pauvre lampe, et pour reprendre quelques forces qu’une simple tasse de thé par jour. Au bout de ce temps, un bâtiment baleinier, le Ravenscraig, les aperçut et les recueillit à demi morts de froid, de fatigue et de faim ; puis ils furent transbordés sur l’Arctique, mieux installé pour recevoir ce surcroît d’équipage, et ne tardèrent pas à débarquer en Irlande.

Le correspondant du Daily Telegraph, à qui nous empruntons ces détails, ajoute que le médecin de l’expédition, qui a saigné le capitaine Hall, affirme que ce dernier est mort d’apoplexie et non empoisonné, comme on l’avait dit tout d’abord. C’est dans le délire que le malheureux chef de l’expédition aurait proféré cette accusation, que rien n’est venu justifier.

Le docteur Bessel, malgré tant de mésaventures, rapporte, paraît-il, un grand nombre d’informations curieuses, d’expériences et d’observations intéressantes qui enrichiront certaines branches de la science : la géographie, la physique et la météorologie. Pour la première fois, des observations du pendule ont été faites à la latitude 81° 38′ et les observations astronomiques n’ont pas été interrompues pendant tout le temps que le malheureux équipage cherchait à échapper à sa longue captivité.

G. Marcel.

LES CRIQUETS DÉVASTATEURS

(Suite. — Voy. p. 230, 238.)

Les migrations des criquets ne se produisent pas à des époques fixes et périodiques comme celles des