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Page:La Nature, 1873.djvu/317

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LA NATURE.

vapeur de proportions énormes ; il est terminé, en bas, par un renflement carré, espèce de boîte qui renferme le miroir, dont le diamètre est de 6 pieds (1m,83), et le poids de 3 809 kilogrammes, c’est-à-dire près de quatre fois le poids de celui d’Herschel. Le poids total de l’appareil est de 10 413 kilogrammes. Ce magnifique instrument, établi sur une espèce de fortification oblongue, d’environ 73 pieds du nord au sud, y est placé entre deux murailles latérales à créneaux, hautes d’une cinquantaine de pieds, qui ont été construites des deux côtés pour servir de point d’appui au mécanisme destiné à le mouvoir. À ces murailles latérales sont adaptés des escaliers mobiles qui peuvent être amenés à l’ouverture du télescope, quelle que soit la position qu’il prenne. Avec lui, on pénètre dans les profondeurs du ciel les plus incommensurables, au delà de toute distance où l’œil ait jamais pénétré. On s’en est servi pour décrire la forme exacte de nébuleuses qui jusque-là n’avaient présenté que confusion. En ouvrant, en 1855, la session de l’Association britannique, à Glascow, le duc d’Argyle disait : « Cet instrument, en agrandissant énormément le domaine de l’astronomie, a jeté quelque incertitude sur la généralité des lois qui régissent les corps célestes et fait douter si les nébuleuses spirales obéissent bien réellement à ces lois. »

Le grand télescope de Lassel, dans l’île de Malte.

« Le télescope de lord Rosse, disait Babinet, ne rendrait pas sans doute visible un éléphant lunaire, mais un troupeau d’animaux analogues aux troupeaux de buffles de l’Amérique serait très-visible. Des troupes qui marcheraient en ordre de bataille y seraient très-perceptibles. Les constructions, non-seulement de nos villes mais encore de monuments égaux aux nôtres, n’échapperaient pas à notre vue. L’Observatoire de Paris, Notre-Dame et le Louvre, s’y distingueraient facilement, et encore mieux les objets étendus en longueur, comme les cours de nos rivières, le tracé de nos canaux, de nos remparts, de nos routes, de nos chemins de fer et enfin de nos plantations régulières. » Ce gigantesque télescope, construit il y a vingt ans, n’a pas encore été dépassé. Il a coûté 300 000 francs à son propriétaire. Depuis la mort de lord Rosse, son fils suit ses nobles traces et consacre la meilleure partie de sa vie à l’étude du ciel.

Avant la construction de cet immense appareil, le plus grand et le plus fameux avait été celui d’Herschel, qui avait frappé les imaginations, non en raison des découvertes astronomiques auxquelles il avait donné lieu (ce dont on ne s’occupait qu’accessoirement), mais plutôt à cause de ses dimensions énor-