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LA NATURE.

les plantes couvertes du même manteau protecteur. Le résultat de toutes ces précautions a été complet et admirable, mes voisins et moi nous avons été entièrement préservés. Notre petite localité située à Langoiran, dans les terrains d’alluvion qui bordent la Garonne et qui gèlent toujours avec la plus grande facilité, présentait, au milieu de la désolation générale, l’aspect le plus riche et le plus riant, et aujourd’hui je suis en pleines vendanges avec l’espérance de faire douze cents pièces bordelaises environ, c’est-à-dire autant que j’en aie jamais fait. Ainsi, avec une dépense tellement minime que je ne saurais l’évaluer, je sauvais une récolte qui vaut 150 000 fr. environ. »

(Journal de l’Agriculture.)

L’ASSOCIATION BRITANNIQUE

Session de Bradford (1873).
(Suite. — Voy. p. 323 et 345.)

M. Norman Lockyer a présenté à la section de physique et de mathématiques le résultat de ses longues recherches sur la constitution physique du soleil. La librairie Macmillan va très-prochainement les publier sous un format analogue au Soleil du père Secchi. Les rapports des comités spéciaux ont été très-nombreux. Celui des météores lumineux, par M. Glaisher, devient d’année en année plus volumineux et plus intéressant. L’analyse spectrale des flammes météoriques confirme d’une façon très-nette le résultat des expériences de Graham, de Nordenskiold sur la présence de l’hydrogène dans le fer météorique et de fer dans les solitudes neigeuses du Groenland. Elle donne également raison à Wœlher, qui a découvert de l’oxyde de carbone inclus dans les météorites récemment apportées à Stockholm. Désormais les météorites et les aérolithes sont réunis par des liens indissolubles. Bientôt personne n’osera plus soutenir la doctrine insensée que les météorites proviennent d’un ancien corps céleste ayant fait explosion.

L’Association britannique a reçu d’excellentes nouvelles d’une station d’histoire naturelle, organisée à Naples, d’après un système analogue à l’aquarium de Concarneau. La station de Naples se suffisant à elle même, l’Association britannique portera sa sollicitude sur d’autres climats.

Dans la dernière séance de la session, le comité général a distribué les encouragements aux recherches scientifiques exécutées sous la surveillance de l’Association. Les crédits s’élèvent à une quarantaine de mille francs, répartis entre trente comités dont nous ne pouvons donner l’énumération complète. Nous citerons cependant celui de l’Efficacité des paratonnerres, qui fut crée à Brighton, sur la proposition de M. Wilfrid de Fonvielle et dont M. Glaisher est le président ; celui de sir Charles Lyell, pour l’Exploration des cavernes du comté de Kent ; celui de M. Fronde, pour mesurer la rapidité de la marche des vaisseaux ; celui du professeur Herschel, pour déterminer le pouvoir conducteur des roches ; celui du professeur Williamson pour mesurer l’efficacité du pyromètre de Siemens, etc., etc.

Au lieu de se traîner à la remorque du gouvernement, l’Association ne craint pas de résister énergiquement. Le ministère, ayant déclaré qu’il ne pouvait accorder de subsides à l’Observatoire de l’île Maurice parce que l’enquête sur l’utilité de sa création n’était pas terminée, l’Association a immédiatement décidé que, jusqu’à nouvel ordre, cet observatoire si utile à l’étude des cyclones serait entretenu à ses frais. Des démarches actives seront faites pour que cette lourde commission, dont le travail est si pénible, arrive enfin à formuler des conclusions.

Le conseil a continué à soutenir, dans une lutte honorable contre l’ignorance du chancelier de l’échiquier, le directeur du jardin de Kew, le célèbre botaniste Hooker.

Il a également reçu des instructions pour obtenir que le gouvernement local de l’Inde fasse exécuter les observations nécessaires pendant le passage de Vénus en 1874. Une somme de dix mille francs a été arrachée, non sans peine, au duc d’Argyll, pour les opérations photo-héliométriques, mais l’Association n’a point dit son dernier mot à ce sujet.

Les deux grandes lectures destinées aux ouvriers n’ont point eu le succès qu’on en attendait. L’une d’elles était consacrée à l’examen de la théorie atomique et moléculaire. L’orateur, M. Clerk-Maxwell, avait pris la peine de réduire en nombres les chimères dans lesquelles se plaisent certains atomistes exagérés. On sait qu’on suppose que la pression des gaz est produite par le mouvement des molécules ; or, d’après M. Clerk-Maxwell, qui a sans doute de bonnes raisons pour se livrer à ces jeux d’esprit, un million de molécules d’hydrogène, mises côte à côte, auraient une longueur d’un millimètre. Il y en aurait donc un million de milliards dans un millimètre cube. La masse de cette petite sphère étant représentée par 1, celle de l’oxygène serait 16, celle de l’acide carbonique 14 et celle de l’oxyde de carbone 22. Ces myriades de molécules d’hydrogène se lanceraient dans tous les sens, contre les parois du vase qui les renferme avec une vitesse de 1 859 mètres par seconde (ni plus ni moins) et le nombre des chocs qu’elles donneraient, par seconde, en oscillant autour de leur position réelle serait de 17 750 millions.

Cette affectation de rigueur, cette puérilité des grands nombres incompréhensibles, a fait lever les épaules à plus d’un homme de sens. Les ouvriers n’ont point donné dans le panneau analytique. Nature publie, dans son numéro du 2 octobre, une poésie satirique sur les évolutions moléculaires. Le non-sens est représenté par un auteur qui prend le pseudonyme infinitésimal dp/dt, comme marchant à l’assaut de la tour fortifiée où se cache la vérité.

Les deux derniers jours de la session ont été con-