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LA NATURE.

semble évident que ce n’est pas la première fois que ce fleuve singulier a quitté son lit. À cette époque, comme nous l’avons dit, l’Oxus quitte le bassin de la mer Caspienne pour rentrer dans celui de la mer d’Aral. Il paraît certain que, vers le commencement du treizième siècle, le phénomène inverse s’était produit, et que ce fleuve, changeant son cours à la suite de la rupture de ses digues par un fils de Djengiz-Khan, s’était jeté dans la Caspienne après avoir coulé pendant plusieurs siècles vers la mer d’Aral. Si les hypothèses du dessèchement du bassin de l’Aral, quand ses eaux cessent d’être alimentées par un fleuve, sont vraies, ce bassin a dû cesser d’exister dans le cours de l’histoire. Or c’est ce que confirme le récit de voyageurs anciens. Un grand nombre de géographes de l’antiquité décrivent la mer Caspienne sans parler de la mer d’Aral dont l’existence n’aurait pu leur échapper, à une époque où la Bactriane et la Sogdiane étaient si connues du monde grec. Plus tard Marco-Polo, qui a certainement passé dans les régions où s’étendent actuellement les eaux de l’Aral, ne fait aucune mention de cette mer intérieure. Il est probable qu’elle était desséchée à ces époques parce que l’Oxus se jetait dans la Caspienne depuis quelques siècles. D’après ces faits, il faudrait considérer l’Aral comme une nappe d’eau intermittente qui aurait plusieurs fois été desséchée dans le cours de la période historique, et qui ne tarderait pas à se dessécher encore si les Russes rendent à l’Amou-Daria le lit dans le sein duquel il a déjà roulé ses eaux.

Gaston Tissandier.

DONATI

Donati (Jean-Baptiste) est né, en décembre 1826, à Pavie, du docteur Pierre Donati et de Louise Cantini. C’était quelques mois après la mort du célèbre Piazzi, de Palerme, illustre astronome que Donati peut être considéré comme ayant remplacé. Il n’avait encore que 25 ans lorsqu’il fut attaché à l’Observatoire de Florence que dirigeait l’illustre Amici de Modène, célèbre surtout en France, par les perfectionnements qu’il a introduits dans la construction des microscopes, et très-populaire en Italie par les efforts patriotiques qu’il a faits pour naturaliser à Florence la belle industrie de la construction des instruments de précision. Deux ans après, le jeune Donati était nommé astronome adjoint et professeur d’astronomie à l’École supérieure de Florence, et il découvrait la cinquième comète de 1855, dont il envoyait la description à l’Académie des sciences de Paris. À cette époque, ses communications avec cette grande assemblée étaient fréquentes et importantes.

Il venait d’être nommé astronome titulaire lorsqu’il découvrit, en juin 1858, la merveilleuse comète qui devait rester visible jusqu’en janvier 1859, et dont les immenses proportions devaient si vivement frapper le vulgaire. Par un bonheur mérité, dont les hommes supérieurs savent seuls profiter, le nom de Donati devenait tout d’un coup populaire. Cette comète, dont nous retraçons un des aspects, semblait bien faite pour ramener les astronomes aux sages théories d’Hévélius et de Gergonne. Donati se consacra à la décrire et à l’observer avec un soin admirable. Il reçut de l’Académie des sciences de Paris, le prix de la fondation Lalande pour 1859, partagé avec M. Goldsmidth et plusieurs autres observateurs. Peut-être fut-il peu satisfait de n’avoir point été distingué par un prix unique, car depuis cette époque ses rapports avec l’Académie devinrent rares. Il ne les reprit plus que peu de temps avant sa mort. La lettre de remerciements qu’il écrivit à l’Académie fut tardive. Il paraît qu’une première lettre avait été égarée, c’est au moins ainsi que l’on explique son silence. Une circonstance bizarre se produisit à cette époque. Le nom de Donati est estropié dans les tables académiques, on l’écrit Batta-Donati, et on le range sous la lettre B.

Donati, qui appartenait au parti national italien, applaudit aux événements qui s’accomplirent bientôt dans la haute Italie, et aux annexions qui, agrandissant l’œuvre interrompue par le traité de Villafranca, étaient autant d’étapes vers la constitution de l’Italia una. En 1864, il succéda à Amici, et le transport à Florence de la capitale de l’Italie vînt accroître considérablement l’importance de l’observatoire dont la direction lui était confiée. Décidément l’astronome semblait né sous une heureuse étoile. Il profita de cette circonstance pour obtenir du gouvernement italien des crédits suffisants et pour mettre son observatoire au niveau des grands établissements astronomiques des capitales de premier rang. Il fut aidé dans cette tâche nouvelle par l’enthousiasme que suscita la célébration du centenaire de Galilée, et par la résolution prise de transporter l’Observatoire de Florence dans les jardins d’Arcetri, où le fondateur de l’astronomie moderne était mort victime de la plus odieuse persécution. L’inauguration solennelle eut lieu en 1872. Donati, qui s’était foulé le pied quelques jours auparavant, ne put y assister. Il fut obligé de faire lire par un de ses amis le discours qu’il devait prononcer.

Malgré tout son génie, Amici n’avait pu parvenir à créer à Florence un centre de fabrication d’instruments de haute optique, digne de lutter avec les grands ateliers de précision de Paris et même de Munich. Son successeur fut plus heureux, grâce au glorieux anniversaire que nous venons de rappeler. Il parvint à faire fabriquer, à Florence, une grande machine parallactique, et un autre appareil du même genre, mais de dimensions moindres, qu’il transporta à Palerme, pour l’observation de l’éclipse de 1870, malheureusement perdue à cause des nuages. C’est encore à Florence, dans l’atelier placé sous l’invocation du grand nom de Galilée, que Donati fit construire un grand spectroscope à 25 prismes, qui fut exposé à Vienne en 1875, et qui devint la cause de sa mort.

En 1866 Donati publia un mémoire posthume de Massotti, sur la détermination des orbites à l’aide de