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LA NATURE.

Finlande, et les phénomènes observés ont été identiques à ceux que M. Tissandier a constatés dans son ascension du 16 août 1868 exécutée à Calais. À une hauteur de 800 mètres environ régnait un courant différent qui a ramené le Jules Favre dans la direction de Saint-Pétersbourg. Le ballon étant redescendu vers la terre s’est dirigé au-dessus du lac Ladoga. En s’élevant de nouveau, à 2 000 mètres, M. Bunelle a retrouvé un courant qui l’a conduit de nouveau vers Saint-Pétersbourg. Il a exécuté une heureuse descente dans le voisinage d’une station du chemin de fer de Finlande, dont il s’est trouvé séparé par une forêt impénétrable à travers laquelle les habitants du pays ont frayé une route improvisée, la hache à la main. Cette inversion des courants sur les bords de la mer ne serait-elle point un phénomène assez général pour être utilisé dans les manœuvres aérostatiques ? C’est une question que M. Tissandier a posée lors de son ascension de Calais et à laquelle il semble devoir être affirmativement répondu.

W. de F.

La Société africaine d’Allemagne. — Le 19 avril, les différentes sociétés géographiques d’Allemagne se sont réunies à Berlin et ont constitué une société spécialement consacrée à l’exploration de l’Afrique.

Nous ne pouvons nous empêcher d’approuver cet acte, et d’émettre l’espérance que la France qui est une puissance africaine en même temps qu’une puissance européenne y verra un nouveau motif pour redoubler d’efforts dans la civilisation et la conquête de cet immense continent.

Le président de la République, qui a passé en Afrique une partie de sa glorieuse carrière et qui a laissé en Algérie tant de traces de son gouvernement, ne saurait manquer d’encourager toutes les tentatives rationnelles faites dans ce sens. La Société de Géographie de Paris vient, du reste, d’être saisie d’un projet d’exploration, pour visiter la région des lacs équatoriaux où le nom français n’a pas encore pénétré. Ce projet va être mis en exécution par un jeune voyageur qui ne demande aucune allocation et qui se propose de partir incessamment.

La chaleur de la lune. — Dans une des dernières séances de la Société royale de Londres, le comte de Ross a donné le résultat définitif d’observations faites dans son château de Birr avec le magnifique télescope dont son père a fait un si glorieux usage. Le jeune et habile astronome, continuant à étudier un problème légué par le savant dont il est le digne héritier, est parvenu à démontrer par des expériences thermométriques directes que la lune est un corps chaud dont l’influence pénètre jusqu’au fond de l’océan aérien. L’éclipse partielle du 14 novembre 1872, est venue lui donner un argument nouveau ; en effet, il a prouvé que la chaleur varie pendant les phases de la même manière que la lumière, qu’elle durait jusqu’au moment de la plus grande phase pour croître de nouveau lorsque ce moment est passé. Un ciel magnifique a favorisé ces expériences que les nuages rendront si souvent infructueuses et incertaines, jusqu’au jour où l’on aura trouvé moyen de les dompter en les exécutant à l’aide d’un aérostat.

Le télescope d’un million de dollars. — Les Américains se décideront-ils à fondre le fameux canon de Jules Verne, cette pièce d’artillerie monstrueuse qui lance jusque dans la lune, des voyageurs enfermés dans un boulet ? C’est ce qui ne paraît pas encore décidé de l’autre côté de l’Atlantique. En attendant la réalisation de ce prodige, on se préoccupe vivement aux États-Unis, de la construction d’un télescope monstre, qui devra coûter un million de dollars. Cet instrument gigantesque serait aux plus grandes lunettes de nos observatoires, ce que le Great-Eastern est au canot, ce que le canon Krupp est à l’arquebuse des temps passés. Il rapprocherait la lune de notre planète à un tel point qu’on pourrait envisager, étudier notre satellite, comme jamais astronome n’a pu l’espérer. Cet instrument formidable va se construire, à ce que disent les journaux américains, quand le mode de souscription public sera définitivement organisé. Mille propositions sont, chaque jour, mises en avant ; les uns demandent que les souscripteurs aient le droit de regarder dans ce télescope, d’autant plus souvent que l’apport de leur cotisation sera plus considérable, les autres désirent que l’on établisse à chaque bureau de poste, un tronc spécial pour "the million dollar telscope," afin que le plus pauvre puisse offrir son obole ; d’autres, enfin, veulent fonder une nouvelle Société astronomique américaine, au capital de deux millions de dollars : on consacrerait la moitié de la somme à la construction du télescope, et l’autre moitié à l’édification de l’observatoire qui le renfermerait. Cette dernière proposition nous semble sage ; car, enfin, il ne suffit pas de créer un télescope monstre, il faut songer à la boite qui devra le contenir.

Quoi qu’il en soit, jusqu’à preuve du contraire, nous nous tiendrons sur la réserve au sujet de ce que les journaux américains débitent à ce propos. Nous craignons même que ce géant des lunettes soit uniquement exploité par quelque Barnum, en quête de nouveauté.

Le télescope d’un million de dollars est-il vraiment fait pour compter les volcans lunaires ? Ne serait-il pas destiné à mesurer le degré de la crédulité humaine, d’après le nombre des naïfs qui y ont ajouté foi ?

Le détroit de Magellan. — Le détroit de ce nom est une suite de chenaux et de passes irrégulières qui séparent le continent américain de la Terre-de-Feu, très-dangereux pour la navigation à voiles, il est plus facile pour les bateaux à vapeur qui évitent ainsi d’allonger leur trajet en doublant le cap Horn, et de rencontrer la grosse mer qui règne constamment dans ces parages. Jusqu’ici les navigateurs redoutaient de s’y engager, à cause de l’incertitude des documents hydrographiques.

La marine Britannique comprenant tout l’avantage qu’il y aurait pour les compagnies de navigation à vapeur, a organisé une expédition qui a relevé ce dédale inextricable des passes magellaniques, très-peu fréquentées depuis 1519, époque de la découverte. Le détroit de Magellan a d’une mer à l’autre une longueur de 300 milles. La largeur est extrêmement variable ; elle a 15 milles entre le cap des Vierges et le cap Espiritu Santo, tandis que dans certains endroits, au milieu des îlots, et les promontoires du milieu, elle est juste suffisante pour le passage d’un navire. L’eau est généralement profonde, mais il faut tenir compte des marées qui s’élèvent jusqu’à 23 mètres. Le côtes sont très-accidentées, bordées de précipices, leur aspect est tout ce qu’on peut concevoir de plus sauvage. La hauteur des sommets principaux atteint jusqu’à 2 000 mètres au-dessus du niveau de la mer. Les forêts de sapins couvrent la plupart des pentes. Il y a tout lieu de supposer que la navigation fréquentera cette route, car un service de remorqueurs est sur le point de s’établir à Puntas Arenas, pour aider les navires à voiles à franchir le détroit.



Le Propriétaire-Gérant : Gaston TISSANDIER.

paris. — imp. simon raçon et comp., rue d’erfurth, 1.