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LA NATURE.

du Kœnig Wilhelm, toute la batterie avait été transformée en un grandiose salon. Six cents personnes prirent place à la table, somptueusement servie. Le feld-maréchal de Moltke porta le premier toast : « À la santé de S. M. l’empereur, qui accroît toujours l’empire et se montre le conservateur de la paix, grâce à l’armée et à la flotte. » Les canons de la plage saluèrent ce toast de 101 coups de canons. Le chef de l’Amirauté, ministre de la marine, von Stosh, prit ensuite la parole et acclama le Conseil fédéral, le Reichstag, et les hôtes qui se trouvaient à bord du Kœnig Wilhelm. En qualité de Prussien, il pria les assistants de vouloir bien lui permettre de rappeler que 20 ans auparavant, Wilhelmshaven, était un désert, et que la valeur, unie à un esprit sérieux et à la constance, avait seule pu produire ces grandioses constructions que les fédérés admirent aujourd’hui. »

C’est à vous Messeigneurs du Reichstag et du Conseil fédéral, dit en terminant l’orateur, qu’il appartient de nous aider à accroître nos avantages et élever notre flotte à la hauteur qu’exige la dignité, l’honneur et la sécurité de l’Allemagne. »

Pendant trop longtemps, nous avons failli, par excès d’indifférence, ne daignant même pas jeter les yeux par-dessus nos murs. Que les terribles leçons d’un passé récent, nous soient salutaires, et que l’exécution d’un port allemand de l’importance de celui de Wilhelmshaven, ne reste pas inaperçu de ce côté du Rhin. Ces travaux qui viennent d’être inaugurés en Prusse, sont la conséquence directe de la science ; qu’on ne l’oublie pas : c’est par la science qu’une nation peut s’élever aujourd’hui, c’est à la source vivifiante de l’étude qu’elle peut puiser sûrement les éléments de sa grandeur.

G. T.

LA MÉTÉOROLOGIE COSMIQUE

Tel est, comme nous l’avons dit dans notre article nécrologique sur Jean-Baptiste Donati, le nom de la science nouvelle que l’immortel directeur de l’Observatoire d’Arcetri a créée, quelques mois avant d’être enlevé par une terrible épidémie. Cette science naissante a été révélée par la grande aurore boréale que Donati a fait observer par tous les agents diplomatiques du royaume italien.

Devenus les bases et les fondements d’une science si importante, ces beaux et grandioses phénomènes acquièrent une importance toute nouvelle, on peut dire exceptionnelle ; aucune des circonstances qui les concernent ne doit dorénavant être négligée, quoiqu’il soit difficile de tout dire à leur endroit. Pour convaincre nos lecteurs de la richesse inépuisable de ces variétés, dont on ignore la cause, nous avons pris, en quelque sorte au hasard, deux dessins. Voisins l’un de l’autre, rapprochés par le hasard, ils montreront mieux l’un et l’autre que de merveilles à décrire, que d’explications à découvrir.

Notre première aurore, observée en France au mois de septembre 1731, a été dessinée par Mairon dans son bel ouvrage. C’est une des apparitions qui ont pu porter certains physiciens à s’imaginer que les aurores boréales étaient des queues de comète ! La seconde, est beaucoup plus moderne. Elle fut observée par des Américains dans l’ancienne Amérique russe, aujourd’hui territoire d’Alaska, le 27 décembre 1865. On dirait un ruban lumineux formé par les replis d’un rideau de cirrhus qui vient du zénith et descend jusqu’à l’horizon. Le spectacle fait involontairement songer à l’échelle mystérieuse que, suivant la légende, le patriarche aurait vue en rêve.

Il est probable que l’extrême bizarrerie de ces apparences tient à quelque circonstance, dont on trouvera l’explication simple quand on aura fait un pas plus avant, mais sur lesquelles nous devons réserver notre opinion tout entière.

Donati s’est borné, comme nous l’avons dit dans sa notice, nécrologique, à établir rigoureusement le synchronisme relatif à chaque méridien successif. En d’autres termes, si toutes les heures étaient comptées d’après un même méridien universel, on verrait que l’aurore a fait le tour du monde, en marchant juste aussi vite que le mouvement apparent du soleil. Cette belle et grande loi, aussi simple que les plus lumineuses énoncées par le grand Keppler, prouve surabondamment que la cause des aurores gît dans le soleil lui-même. Cette vue si nette vient confirmer les longs et magnifiques travaux de M. Brown, l’astronome de Trevandum, qui a exposé des lois expérimentales non moins logiques, non moins surprenantes, et cela sans connaître les travaux de Donati, qui n’étaient point alors parvenus dans l’Inde. M. Brown a remarqué que les aurores boréales ont une périodicité de 26 jours, c’est-à-dire qui semble réglée sur le mouvement de rotation du soleil autour de son axe. Rien de plus naturel, si on admet la théorie de l’incomparable Hansteen qui veut que le soleil soit le siège de puissants courants électriques, en un mot, que ce soit un immense solénoïde tels que ceux qu’Ampère et Arago nous ont appris à construire. En effet, il n’est point admissible que la surface du soleil soit homogène, d’où il résulte que l’action magnétique des divers méridiens solaires qui se déplacent sans relâche doit varier incessamment ; mais tous les 26 jours les divers méridiens solaires reprennent la même position relative à nous, d’où résulte que tous les 26 jours les mêmes méridiens ont repris leur même position, et que, par conséquent, l’action magnétisante du soleil doit offrir cette période.

En comparant les mouvements de la pression barométrique en Écosse et en Tasmanie, M. Brown a constaté que les variations sont simultanées dans ces deux stations dont la latitude magnétique est la même, et qui sont situées l’une dans l’hémisphère austral, l’autre dans l’hémisphère boréal. Cette simultanéité rappelle évidemment celle qui a été constatée dans l’apparition des aurores dans les deux hémisphères. Mais ce n’est pas tout, car ces