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LA NATURE.

nous ont appris que les parasites qui ont passé l’hiver en léthargie, se réveillent pleins d’agilité à l’entrée du printemps, et se montrent alors revêtus d’une peau délicate et de fraîche formation.

La minceur de leurs téguments, l’abstinence prolongée de l’hibernation, l’activité renaissante de toutes les fonctions vitales, sont autant de conditions très-favorables à l’absorption des substances caustiques ; la mobilité dont ils font preuve augmente dans une forte proportion leurs chances de rencontre avec ces substances ; en outre, le réveil de la respiration doit accélérer à ce moment l’effet asphyxiant de la submersion : il y aura donc avantage à attaquer le phylloxéra vers la fin de mars ou au commencement d’avril.

Cette époque est d’autant plus opportune que la ponte n’est pas encore effectuée. Les moyens de destruction mis en œuvre pourraient être sans effet sur les œufs, qui sont d’ailleurs, comme ceux de tous les parasites, doués d’une force de résistance considérable ; mais si leur application est faite assez tôt pour qu’ils n’aient à rencontrer que les jeunes phylloxéras à peu de distance de leur rentrée dans la vie active, il y a grande probabilité à ce que la maladie de la vigne ne puisse reprendre un nouvel essor au retour de la belle saison.

Dans la séance du 28 avril dernier, M. Dumas a insisté à l’Académie des sciences sur l’enseignement à tirer de ces observations si intéressantes de MM. Cornu et Faucon, c’est-à-dire sur la possibilité d’augmenter les chances de succès des moyens d’attaque dirigés contre le destructeur de nos vignobles.

Les résultats fournis par les nombreuses études dont la nouvelle maladie de la vigne a été l’objet, ont déjà eu pour résultat de ranimer l’espoir des propriétaires de vignobles et de les encourager à redoubler d’efforts dans leur lutte contre le fléau. Sous cette heureuse impulsion, les succès se multiplient en même temps que l’emploi des méthodes curatives rationnelles se généralise. Aussi le moment n’est-il peut-être pas très-éloigné où le talent d’observation de nos naturalistes, associé dans une ardeur commune à la pratique consommée de nos viticulteurs, réussira, sinon à triompher complètement du terrible phylloxéra, du moins à ralentir sa marche dévastatrice d’une manière très-rassurante pour l’avenir.

E. Vignes.

UNE SOUSCRIPTION SCIENTIFIQUE
L’OBSERVATOIRE DUDLEY À ALBANY

Nous croyons utile de présenter à nos lecteurs quelques faits du plus haut intérêt, signalés par l’excellent recueil de la Bibliothèque de Genève sur l’Observatoire d’Albany, le chef-lieu politique de l’État de New-York. Tandis que, chez nous, il faut tout attendre du gouvernement pour la création d’établissements scientifiques, de l’autre côté de l’Atlantique, il suffit que des hommes d’intelligence et de bonne volonté se présentent à leurs concitoyens, pour que des souscriptions importantes et nombreuses répondent immédiatement à leur appel. En 1851, quelques savants d’Albany veulent fonder un observatoire astronomique ; ils vont frapper de porte en porte, demandant à tous l’obole de la science. Aussitôt l’argent afflue : en peu de temps, les capitaux nécessaires à l’acquisition des terrains, à l’érection des bâtiments, à la construction des instruments sont souscrits ; madame veuve Dudley, à elle seule, a donné d’abord 12 000 dollars ; puis, elle a versé successivement dans la caisse du nouvel observatoire 105 000 autres dollars. Les dons de cette honorable dame se sont élevés en totalité à 480 000 francs de notre monnaie. Aussi, ne s’étonnera-t-on pas si le nouvel établissement porte son nom. Outre madame veuve Dudley, des notabilités d’Albany, MM. Thomas Olcott, Devitt, Prentice Rathbone, ont encore souscrit pour des sommes importantes ; parmi les autres donateurs on en compte plus de dix, qui en peu de temps, ont envoyé soit de New-York, soit d’autres localité des États-Unis, 1 000 dollars chacun ; quant aux souscriptions de 500 et 100 dollars, elles ont afflué de partout en nombre considérable. Tout cela s’est fait sans bruit … et sans pétitions ministérielles !

En 1854, grâce à la générosité de quelques citoyens, le bâtiment destiné au nouvel observatoire, s’élève fièrement au sommet d’une proéminence, située dans la partie nord-ouest de la cité d’Albany, à 50 mètres environ au-dessus du niveau moyen des eaux de l’Hudson. En 1856, l’Observatoire est pourvu d’une grande lunette équatoriale, de 13 pouces anglais d’ouverture effective et de 15 pieds de longueur focale ; l’instrument est muni d’un mouvement d’horlogerie et de six oculaires micrométriques, dont les grossissements varient de 100 à 1 000. Il compte, en outre, un superbe cercle méridien, fixé à une lunette de 10 pieds de longueur focale et de 8 pouces d’ouverture, un magnifique instrument de passages. Bientôt l’établissement possède un chercheur de comètes, construit par Alvan Clark de Boston, et dont la lunette est montée équatorialement, un nouveau chronographe inventé par le professeur Mitchel, un déclinomètre, dû au même savant, un nouveau baromètre automatique enregistreur, de Hough, une machine à calculer, exécutée par les Suédois E. et G. Scheutz. Cette machine n’a pas coûté moins de 5 000 dollars ; elle a été construite pour les quatre premiers ordres de différence, et on s’en est servi très-avantageusement pour le calcul d’éphémérides de petites planètes.

L’Observatoire d’Albany continue aujourd’hui à fonctionner et à progresser, sous l’intelligente direction de M. G.-W. Hough ; il a déjà rendu des services importants à l’astronomie, à la météorologie ; il en rendra d’autres encore. Mais nous ne voulons pas parler ici des travaux qui y ont été exécutés ; notre