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Page:La Nature, 1874, S1.djvu/109

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LA NATURE.

l’on doit placer sur certaines parties des côtes, qui, par la nature de leur sol, se refusent absolument à l’édification de monuments en fer ou en maçonnerie. C’est en Angleterre que l’idée des bateaux lumineux a pris naissance. En 1841, le light-vessel des îles Scilly a eu un grand retentissement ; il nous paraît curieux d’en donner la description au moment où cette question de l’éclairage maritime est à l’ordre du jour de l’autre côté de l’Atlantique.

Phare de Thimble Shoal.

« À première vue, et de loin, dit M. Esquiros, qui nous donne la description assez pittoresque du bateau lumineux anglais, un light-vessel ressemble beaucoup pendant la journée à un vaisseau ordinaire ; si l’on y regarde de plus près, on trouve entre eux une bien grande différence. Le vaisseau lumière flotte, mais il ne remue point : ses mâts épais et courts sont dénués de voiles et couronnés de grosses boules. Les autres navires représentent le mouvement ; celui-ci représente l’immobilité. Ce qu’on demande d’ordinaire à un bâtiment est d’être sensible au vent, à la mer ; ce qu’on exige du light-ship est de résister aux éléments. Qu’arriverail-il en effet, si, chassé par la tempête, il venait à dériver ? Pareil à un météore, ce fanal errant tromperait les pilotes au lien de les avertir. Un navire qui ne navigue point, un vaisseau-borne, tel est donc l’idéal que se propose le constructeur d’un light-vessel, et cet idéal a naturellement exercé dans plus d’un sens l’imagination des architectes nautiques. Les formes varient selon les localités ; la coque du navire est plus allongée en Irlande qu’en Angleterre ; mais dans tous les cas on s’est proposé le même but, la résistance à la force des vents et des vagues. On a voulu que, par les plus violentes marées, au milieu des eaux les plus bouleversées, et dans les situations les plus exposées à la puissance des courants, il chassât sur son ancre en s’agitant le moins possible. Pour qu’il restât par tous les temps dans la même situation maritime, il a été nécessaire de l’attacher. Galérien rivé à une chaîne et à des câbles de fer, il ne peut s’éloigner ni à droite ni à gauche. L’étendue de cette chaîne varie selon les localités : aux Steven-Stones, où le vaisseau repose sur 240 pieds d’eau, elle mesure un quart de mille de longueur. On y a depuis quelques années ajouté des entraves qui subjuguent les mouvements du navire, et encore a-t-on obtenu que tout esclave qu’il fût, il pesât le moins possible sur les amarres. Il y a très-peu d’exemples d’un light-vessel ayant rompu ses liens, et il n’y en a point jusqu’ici qui ait fait naufrage. On n’a jamais vu non plus les marins de l’équipage changer volontairement de position, quelle que fût la fureur de la tempête. Si pourtant le vaisseau se trouve déplacé par l’irrésistible force des éléments, au point que sa lumière puisse devenir une source d’erreurs pour la navigation, on arbore un signal de couleur rouge ; ou tire le canon et